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Iron Maiden - Senjutsu
4.8TOP 2021

I-no-xy-dable. La Vierge de Fer est inoxydable. Après avoir enterré le mouvement punk qui avait précédé, avec grand fracas, ses premiers pas, elle a vu la vague new-wave qui s’en était ensuivie lentement se dissoudre puis disparaître corps et âme avec ses ténors. Et de tous ces mouvements musicaux éphémères comme des autres qui allaient suivre, portés aux nues l’espace d’un souffle, il ne reste rien si ce n’est un éventuel parfum de nostalgie et de vieux albums marqueurs d’une époque. Et pendant tout ce temps, tout au long de ces 4 dernières décennies, en l’absence d’un quelconque soutien des grands média mais bénéficiant d’un follow-up hors normes et d’une loyauté indéfectible, Iron Maiden aura gravé sans faillir 17 albums studios monumentaux presque tous irréprochables, enregistré plus d’une dizaine de lives dans les plus grands stades du monde, écoulé plus de 100 millions d’albums et vu sa mascotte Eddie the ‘ead arborer les t-shirts de plusieurs générations entières de fans. Bien plus que le fer de lance de la fameuse NWOBH (New Wave of British Heavy Metal) le groupe s’est imposé comme le plus grand groupe de hard rock anglais de tous les temps. Et ce, sans temps mort, si l’on excepte un rare passage à vide, peut-être, en 1990 avec l’album No prayer for the dying. Et même l’époque Blaze Bailey (1994-1999), décriée en son temps par certains die-hard, apparaît aujourd’hui, avec le recul, comme largement sous-estimée.

Les raisons d’un tel succès et d’une telle longévité ? La vision, l’ambition, la détermination et l’exigence de Steve Harris, son fondateur, qui a toujours banni le terme compromis de son vocabulaire. La Vierge de Fer nous offre un heavy metal singulier et novateur, à la fois bien trempé mais toujours mélodieux, ambitieux de par ses structures musicales comme de par ses nombreuses références historiques, littéraires ou cinématographiques. Avec une marque de fabrique: cette basse galopante, ces multiples changements de rythme, ces doubles soli de guitares et cette propension à développer de longues pièces musicales, progressives en tout cas dans l’esprit (Steve Harris a toujours reconnu que des groupes comme Jethro Thull, Genesis, Yes ou Nektar faisaient partie de ses influences). Et c’est également l’arrivée, fin 1981, de l’iconique chanteur Bruce Dickinson qui, outre ses capacités vocales exceptionnelles et ses talents de front-man indéniables, a permis au groupe d’élever encore le niveau de jeu au travers des textes comme des compositions proposées. Et ce n’est une surprise pour personne si l’hyper actif Dickinson s’est également distingué dans d’autres disciplines : escrimeur pour l’équipe d’Angleterre, écrivain, animateur radio, pilote de ligne professionnel et business man.

Dès les premières mesures du morceau « Senjustu » (traduit par tactique et stratégie) qui ouvre l’album, on sait que l’on tient là un disque qui fera date dans la déjà très riche histoire de la Vierge de Fer. Le long souffle épique qui court sur ce premier morceau ne se démentira pas tout au long de l’album. La puissance d’évocation du groupe est intacte. Avec ce titre, le groupe nous plonge dans ces temps ancestraux ou les territoires devaient être défendus des multiples invasions nomades. “Beat the warning the sound of the drums” annonce Bruce Dickinson, endossant les habits du seigneur de guerre, alors que Nicko Mc Brain lui fait écho de ses roulements de toms presque martiaux. A l’aube de la bataille, alors que les armées se font face et que la clameur monte, il rassure les hommes (« Faith in the years our ancestors taught us. Have the belief we can protect the wall ») et les galvanise (“Honour our dead so they never fought in vain”).  Superbement cinématique.

La dimension progressive est très présente sur ce nouvel opus des anglais. Et c’est Steve Harris qui excelle toujours à cet exercice, signant ici, seul, deux compositions particulièrement exceptionnelles. Ainsi, tout d’abord, le morceau « The Parchment » avec ses douze minutes, son ambiance mystique presque hypnotique, son labyrinthe de riffs pachydermiques, son abondance de solos multiples tous aussi inspirés les uns que les autres et qui s’ouvre sur un premier couplet majestueux (« When the moon will rise again. Until we read the parthian skin. Broken fears warring days are here again”).  Mais également, le morceau « Lost in a lost worl », composition à tiroirs de quasiment dix minutes, qui évoque la disparition des civilisations anciennes avec un final bouleversant, non seulement dans le texte (« Will we ever heal our old wounds. Like forever darkness worn ») mais également dans le chant de Dickinson qui nous délivre ici l’une des plus belles partitions de sa carrière, démontrant la soixantaine bien tassée, à contrepied de ces performances vocales qui lui ont valu son surnom de air raid siren, toute la richesse de sa voix et l’étendue de son immense talent.

Le groupe alterne son propos sur Senjutsu avec également des morceaux aux structures plus épurées, permettant de bien équilibrer l’album. Fruit d’une très belle collaboration entre Janick Gers et Steve Harris (qui nous offrit en son temps « Ghost of the Navigator »), « Stratego », avec son riff d’ouverture très acéré dans la grande tradition heavy metal,  imprime un réel sentiment d’urgence et nous rappelle que la Vierge de Fer est également capable d’écrire des mini-épopées compactes particulièrement efficaces. « Days of future past », écrit par Adrian Smith et mené tambour battant, nous offre l’un des riffs les plus furieux depuis « The prophecy ». Et si Bruce Dickinson peine parfois à aller chercher les notes hautes (tout étant relatif), il prouve sur ce morceau qu’il n’a rien perdu en revanche de sa capacité à moduler ses tonalités dans le haut de sa tessiture.  « The writing on the wall », choisi pour être le premier single, avec ce refrain qui n’y parait pas et devient pourtant vite entêtant, est sûrement l’un des morceaux les plus surprenants de cet album. Les premières notes acoustiques qui évoquent l’intro de « The book of souls » nous mènent sur une fausse piste puisque le morceau dévie rapidement vers des consonances plus heavy rock-bluesy. Peut-être faut-il y voir l’influence du travail récent d’Adrian Smith avec le guitariste Ritchie Kotzen  (album SK très orienté classic rock 70’s et blues). Enfin, le groupe ralentit la cadence avec « Darkest Hour », autre moment fort de l’album, empreint d’une résonance profonde. Inspiré sans doute par le film du même nom, le morceau qui s’ouvre sur le désastre de la retraite précipitée de Dunkerque en 1940, se conclue sur le débarquement sanglant le long des plages normandes, quatre années plus tard, nous offrant le regard de Winston Churchill, figure emblématique du siècle dernier et personnalité complexe. Il faut souligner la qualité d’écriture de Dickinson sur ce texte très émouvant (« We buried our sons, turned and fled. No growing old the glorious dead. But we are back because one man said. Now on the beaches the blood runs red »). Musicalement, l’intro, très sombre, est sans aucun doute l’une des plus poignantes écrites par le groupe avant que le morceau ne déploie une véritable intensité lyrique, magnifiée par un mémorable double solo de Dave Murray et Adrian Smith.

Ce qui frappe sur Senjutsu  c’est le sentiment, plus que jamais, d’effort collectif. L’album apparaît très bien équilibré entre les apports de Harris, Dickinson, Smith et Gers. Maiden continue à ce titre à jouer avec succès la carte de l’unité musicale, une particularité que soulignait déjà en son temps le producteur attitré de la Vierge de Fer, le regretté Martin Birch. Parmi les nouveautés de cet album on retient l’habillage sonore, avec l’utilisation, plus que de coutume, de synthétiseurs, ce qui permet de tisser des ambiances et de conférer à la musique une dimension symphonique à l’instar d’un Seventh Son of a Seventh Son. Seule ombre au tableau, le son de cet album. Si la production met bien en valeur les passages plus acoustiques, elle manque en revanche de dynamique comme de finesse sur la majeure partie du disque. Une écoute sur une hifi exigeante la met vite en défaut. Elle semble parfois brouillonne, ne permet pas de discerner (ou restituer) avec suffisamment de justesse les différents instruments et donc ne rend pas justice à l’impressionnant niveau de song-writing sur cet album. Le travail du producteur Kevin Shirley a été, à ce titre, très critiqué. Mais c’est oublier que Steve Harris est lui-même à la coproduction et il est évident qu’il doit fortement peser sur le travail de Shirley, dictant dans l’ombre les options qui lui paraissent les plus appropriées pour son groupe, au risque de manquer de recul au terme de ces années.

The book of souls avait permis à la Vierge de Fer de revenir sur le devant de la scène en 2015 de manière époustouflante, performance que nous avions déjà soulignée dans AMAROK magazine. Avec Senjutsu le groupe se surpasse encore et s’impose avec un album magistral, perpétuant sa légende sans rien concéder. D’ailleurs, Bruce Dickinson nous en avait averti: « No quarter now is given,  no less” (“The Parchment”). Up the irons!

IRON MAIDEN – SENJUTSU

Iron Maiden - Senjutsu (2021)

Title: Senjutsu
Artist: Iron Maiden

Year: 2021
Country: Angleterre
Duration: 82’02
Label : –

Setlist

CD 1 (40:21)
1. Senjutsu (8:21)
2. Stratego (5:00)
3. The Writing on the Wall (6:14)
4. Lost in a Lost World (9:32)
5. Days of Future Past (4:04)
6. The Time Machine (7:10)

CD 2 (41:41)
1. Darkest Hour (7:21)
2. Death of the Celts (10:21)
3. The Parchment (12:39)
4. Hell on Earth (11:20)

Line-up

– Bruce Dickinson / vocals
– Adrian Smith / guitars
– Dave Murray / guitars
– Janick Gers / guitars
– Steve Harris / bass, keyboards
– Nicko McBrain / drums

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