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Tuesday the Sky - The Blurred Horizon
4.5Note Finale

Lorsque le guitariste Jim Matheos avait laissé entrevoir que Long Day Good Night paru fin 2020 serait peut-être le dernier album de Fates Warning, nous n’imaginions pas qu’il nous gratifierait d’un album solo moins d’un an plus tard.

Et pourtant voici qu’il récidive sous la bannière de Tuesday the Sky, un projet qui avait déjà permis à un album assez réussi de voir le jour en 2017. Intitulé Drift, ce disque était essentiellement instrumental, très introspectif, voire contemplatif, assez minimaliste et avec des touches électroniques pouvant rappeler Chroma Key (d’ailleurs on retrouvait sur cet album la présence de son compère de longue date Kevin Moore) ou Brian Eno pour son esprit ambient-rock. Des compositions tout à la fois plus lumineuses et résolument plus positives que les rivages abordés au travers de ses autres projets plus typés prog-métal (Fates Warning, OSI, Arch/Matheos). D’ailleurs il s’agissait essentiellement d’idées initialement explorées dans le cadre du process d’écriture de ces autres projets mais, in fine, non retenues car ne correspondant pas à leur esprit. On se souviendra que les envies d’escapade de Jim Matheos ne datent pas d’hier puisque son premier album solo, First Impressions, présentait déjà en 1993 une autre facette du guitariste avec ce trio guitare/violon/violoncelle, aux antipodes du prog-métal qui avait fait sa renommée. L’artiste confiait récemment que “de plus en plus, ce que j’écoute n’a plus rien à voir avec le progressif ou le métal et s’écarte même de tous ces styles musicaux où la guitare est l’instrument prédominant ».

Jim Matheos a abordé Tuesday the Sky avec une approche particulière en termes d’écriture, privilégiant les sonorités et l’expérimentation sonore « Je suis parti de sons que je trouvais intéressants et qui, je l’espérais, me mèneraient ensuite à des développements musicaux intéressants, plutôt que l’inverse ». D’où le sentiment d’un album toute en finesse ou chaque note a son importance dans ces multiples ambiances délicatement tissées par le guitariste, tantôt doucereuses, souvent mélancoliques et parfois hantées. Une musique qui, comme une brume mystérieuse et ouatée, enveloppe lentement l’auditeur, l’isole du monde, fait naître des images et laisse l’esprit vagabonder, facilitant la rêverie. Rarement la notion de voyage immobile n’aura pris autant de sens.

Le lent démarrage de « Half remembered » qui ouvre l’album avec ses boucles répétitives superposées est une très belle entrée en matière qui donne le ton général de The Blurred Horizon et annonce tout autant cette texture musicale dont l’album ne se départira que peu au travers des dix autres compositions à suivre. Mais il faut attendre  « Near Light », le second morceau pour découvrir le premier grand joyau de ce disque. Très évanescent, résolument positif et porteur d’un formidable espoir comme le sont certaines aubes. Une plénitude absolue qui ouvre les champs du possible. Dès lors l’album prend définitivement son envol. « Cwmwl » (« nuage » en gallois) , délicat, cosmique et éthéré, prolonge « Near Light » de manière plus mélancolique. « Where the enemy sleeps », magnifiquement travaillé, évoque comme une traque silencieuse, tous les sens en éveil, ponctuée par ces virgules sonores qui seraient autant de moments où, immobile, l’on retiendrait son souffle, à l’affût de chaque bruit ou sensation, pour éviter d’éveiller la proie ou mieux réorienter cette traque nocturne. « Laudanum dream » nous plonge, à la manière de cette drogue dure en vogue au XIXème siècle, dans cet état second de semi-conscience, où la perception se dilue et où chaque inhalation gomme de manière inexorable un peu plus les frontières de la réalité. Les sonorités sourdes créent un climat anxiogène rappelant à chaque instant que ce voyage peut être sans retour. « Hypneurotic », autre grande réussite de l’album, paraît nous immerger dans un cauchemar récurrent, celui d’une course poursuite sans issue aux confins de la folie. L’effet particulier du jeu sur deux kits différents du batteur Gavin Harrison (Porcupine Tree, King Crimson, The Pineapple Thief), qui officie d’ailleurs sur 5 morceaux de l’album, confère au morceau une dimension réellement hypnotique tandis que les sonorités renforcent la sensation de névrose et la guitare franchement métal accentue l’intensité du drame intérieur qui se joue. Si Jim reconnaît dans ce morceau une forte influence Tangerine Dream, c’est également le titre le plus proche du répertoire de Fates Warning. D’ailleurs les dernières notes ne sont pas sans rappeler l’ambiance du superbe concept album A Pleasant Shade of Grey (1997). « Near Dark » est le pendant de « Near Light » mais convie cette fois-ci l’auditeur à l’heure où l’aube finit par décliner. Cette heure précise où le monde s’apaise mais où, pour celui qui veille, les souvenirs, que l’on voulait enfouis, remontent et affluent. Entre tristesse et mélancolie. « The Blurred horizon » qui donne son nom à l’album sonne résolument positif, comme la veille d’un grand départ, celui d’une quête vers une ligne d’horizon que l’on perçoit à peine que mais que l’on devine déjà porteuse de tous les espoirs. Une terre promise où rien ne serait plus comme avant. L’album se clôture avec « Everything is free », le seul titre non instrumental de ce disque, puisque porté par la voix unique de Tim Bowness (No-man, Steven Wilson etc..), avec lequel Jim avait déjà collaboré de par le passé, une surprenante reprise de Gillian Welch, chanteuse de country américaine, qui prend une couleur plus mélancolique que l’original. Et l’on imagine le regard du chanteur, alors qu’il traverse une de ces villes oubliées des Etats Unis, où résonnent encore çà et là les échos d’anciennes fortunes, mais n’ayant pour seules réponses à ses interrogations que l’écho de sa propre voix. Il avait été initialement envisagé que ce titre soit repris par Fates Warning pour figurer dans un CD de bonus tracks visant à accompagner Long Day Good Night qui n’a jamais vu le jour.

Avec cette merveille (à écouter au casque de préférence) qu’est The Blurred Horizon, le guitariste Jim Matheos  laisse exploser l’extraordinaire sensibilité que l’on percevait déjà dans ses autres projets et nous rappelle que, pour les grands artistes, les lignes de démarcation entre les styles musicaux sont plus que ténues voire, n’existent pas!

TUESDAY THE SKY – THE BLURRED HORIZON

Tuesday the Sky - The Blurred Horizon (2021)

Titre : The Blurred Horizon
Artiste : Tuesday the Sky

Date de sortie : 2021
Pays : États-Unis
Durée : –
Label : Metal Blade

Setlist

01. Half Remembered
02. Near Light
03. Cwmwl
04. Where The Enemy Sleeps
05. Laudanum Dream
06. Hypneurotic
07. Later, Then Now
08. Near Dark
09. Half Forgotten
10. The Blurred Horizon
11. Everything Is Free

Line-up

Jim Matheos – guitars and bass

Lloyd Hanney – drums

Guests:

Gavin Harrison, Tim Bowness

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