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Savatage - Streets A Rock Opera
5.0Note Finale

Streets – A Rock Opera est un monument. Cet album représente non seulement et sans aucun doute la quintessence de l’œuvre de Savatage mais également, tout simplement, un album tout aussi indispensable que fondateur dans l’histoire du metal mélodique, voir progressif.

Si Savatage, groupe américain formé par les frères Chris et Jon Oliva, possède au départ un talent indubitable, le groupe doit à Paul O’ Neill d’avoir révélé leur potentiel, transformant le heavy metal assez sommaire qui caractérise les trois premiers albums du groupe (entre 1983 et 1986) en ce métal progressif, aux éléments presque symphoniques, tout aussi sophistiqué qu’ambitieux, qui deviendra dès lors leur marque de fabrique et sera fréquemment cité comme influence et référence absolue par les groupes des générations suivantes. Paul O’ Neill, grand promoteur rock des années 80, prend Savatage sous son aile et lui redonne confiance à un moment où, au terme de la tournée Fight For The Rock (1986), le groupe est prêt à raccrocher. « Quand j’ai entendu ce groupe, j’ai tout de suite su qu’ils parviendraient tôt ou tard là où ils sont maintenant. Je parle de prémonition ou d’intuition. C’était pour moi évident qu’un groupe avec un tel talent pour l’écriture et ayant autant de compétences techniques ne pouvait que définir l’avenir du metal ». Paul prend les rênes de la production et s’investit directement dans l’écriture comme dans la direction musicale (encourageant le groupe à explorer d’autres horizons musicaux) et devient à ce titre membre à part entière de Savatage.  Et si les deux premiers galops d’essai, plus que concluants, que sont Hall of the Mountain King (1987) et, plus encore, Gutter Ballet (1989) revigorent le groupe, lui offrent des tubes en rotation sur les ondes (comme “When the Crowds Are Gone“) et lui permettent d’accéder à une vraie reconnaissance, c’est à mon sens le concept album Streets – A Rock Opera,  leur 6ème opus studio paru en 1991, qui constitue l’apothéose de leur carrière et leur plus grande réussite artistique à ce jour. Ils s’en rapprocheront par la suite avec Dead Winter Dead (1995) ou encore avec Wake of Magellan (1997) sans jamais néanmoins égaler cette performance avec autant de constance.

Le groupe passe une année complète en studio sur ce projet se livrant à de nombreuses expérimentations, écrivant par exemple pas moins de trois versions du morceau “Jesus Saves”, dont une version gospel ! Toutes les compositions de Street sont signées Jon OlivaChris Oliva et Paul O’Neill avec un thème articulé autour d’un livre de Paul O’Neill narrant le parcours d’un ancien revendeur de drogues new-yorkais (« DT Jesus »), devenu rock star et qui finit par se brûler les ailes, le tout sur fond de rédemption avec une forte connotation religieuse, comme l’illustre notamment le morceau “St Patrick” qui voit le protagoniste principal pénétrer dans la cathédrale du même nom pour y chercher des réponses à ses questions (« Why all the things we asked. Or prayed would come to pass. Have gone unheard. Like silent words. That slip into the past») ou encore sur “Believe”, le grandiose final de cet album délivré magistralement à plein poumons par Jon Oliva (« I am the way. I am the Light. I am the dark inside the night. I hear your hopes. I hear your dreams. And in the dark I hear your screams. Don’t turn away. Just take my hand. And when you’ll make your final stand. I’ll be right there. I’ll never leave. All I ask of you is believe»).

Streets – A Rock Opera n’appartient pas seulement à la grande tradition des concepts albums, c’est aussi, comme son titre l’indique un véritable opéra rock qui aurait fait les beaux jours de Broadway, ainsi que l’illustre, entre autres, un morceau comme “You’re Alive”, définitivement taillé pour cette scène. L’album est théâtral de bout en bout, sans temps mort et sans ventre mou. Le ton est donné dès l’intro du tout premier morceau “Streets” avec ce chœur d’enfants qui interprète “Seid Uns Zum Zweiten Mal Willkommen“ extrait de La Flûte Enchantée de Mozart (chœur que l’on retrouve plus tard sur “Heal My Soul”) avant que ne résonnent quelques notes de piano inquiétantes plongeant l’auditeur dans les bas-fonds des rues de New York qui tiennent lieu de décor à cette fresque (« Here there are answers. On the edge dancers. Here the night hides our sins. And if you listen. While the streets glisten. Here’s where our story begins»). Chaque morceau dès lors nous fait progresser de manière très cinématique dans la narration. Et si Savatage est au sommet de son art sur cet album c’est parce que le groupe, au-delà des mélodies ciselées, propose une diversité phénoménale de styles et de rythmes qui maintiennent en haleine l’auditeur et permet de parfaitement équilibrer l’album et ses 16 compositions (tout de même !). Ainsi, tout en gardant leur signature unique qui confère à l’album une grande homogénéité, les frères Oliva alternent des morceaux dans la grande tradition d’un heavy metal aux accents progressifs (“Tonight He Grins Again”, “Can You Hear me Now”, ”Ghost In The Ruins” ) avec des brûlots aux riffs de guitare parmi les plus incisifs jamais écrits par le groupe (“Agony and Ecstasy”, “Sammy and Tex”, “Jesus Saves””) et surtout, plus encore, avec des ballades tantôt complètement épurées au piano (“A Little Too Far” ou “Heal My Soul” basée sur un air traditionnel gallois « Suo Gan ») ou plus orientées power-ballad (“If I go Away”) mais ayant toutes pour commun dénominateur d’être particulièrement réussies et de ne laisser aucune place à la mièvrerie.

On ne mesurera jamais assez ce lien magique indéfectible entre les frères Oliva qui illumine réellement cet album, le premier grâce aux quatre octaves à sa disposition pour un chant habité (quelle merveille que cette voix écorchée lorsque développée à pleine puissance) et le second, guitariste d’exception, avec un jeu très fluide en legato, et pourtant largement sous-estimé. Chris n’aura que rarement fait la couverture des magazines pour six-cordistes, sa discrétion et sa timidité notoires y étant peut-être pour quelque chose. Et si d’aventure il ne restait qu’un passage de cet album pour se convaincre de son talent ce serait le long break de “Ghost In the Ruins” (sur lequel il est d’ailleurs épaulé par un Johnny Lee Middleton tout aussi extraordinaire à la basse). Chris Oliva décèdera hélas, tragiquement, deux ans plus tard en 1993 d’un accident de voiture, quelques mois après l’enregistrement de l’album Edge of Thorns.

Le groupe envisageait initialement de sortir un double album de 22 titres comprenant beaucoup plus de passages narrés (à l’instar de l’intro de “Jesus Saves“). Mais la maison de disques en décidera autrement. Un choix qui nous prive de l’intention initiale de l’artiste, la dénaturant, ce qui est d’autant plus regrettable que les masters de nombre des autres compositions finiront par être irrémédiablement perdus (un titre refera surface intitulé “Larry’s Elbows“). Si Streets – A Rock Opera n’a pas la dimension sociétale d’un Operation Mindcrime (Queensrÿche) l’histoire qui nous est contée n’en demeure pas moins d’une grande sensibilité et n’a pas à rougir de la comparaison. Et si les textes ne relèvent pas de l’autobiographie, on ne peut s’empêcher de voir des similitudes avec le chemin de vie de Jon Oliva (notamment sa dépendance aux drogues) et l’on comprend mieux pourquoi il se les approprie avec tant d’ardeur comme sur “Tonight he grins again“ («Walk the streets just staring out. ‘Cause in the dark the strange come out. Time and time again. I’m just looking for a friend. But no one seems to be around. Except this monkey that I’ve found. Still he is my only friend. And tonight he grins again»). La seule et unique déception de cet album provient de la pochette absolument quelconque qui n’illustre en aucune manière le fabuleux thème du concept album. Ce qui est d’autant plus surprenant au regard des différents artworks plutôt réussis qui ont accompagné l’œuvre de Savatage au fil des années. Le disque, quant à lui, finira platine, donc avec les honneurs, mais sans obtenir le réel succès commercial tant attendu et le groupe devra même interrompre sa tournée au regard des ventes insuffisantes de billets. Si l’album reste le marqueur d’une époque, trente ans après sa sortie il n’a en rien perdu de son souffle épique et je vous invite réellement à vous replonger dans l’odyssée de ce DT Jesus à la sagesse proverbiale « Don’t believe in expectations. Don’t believe in shooting stars. And if you make a stand on a dead empty hand. Never let them see your cards…» (“New York City Don’t Mean Nothing“).

SAVATAGE – STREETS A ROCK OPERA

Savatage - Streets A Rock Opera (1991)

Titre : Streets – A Rock Opera
Artiste : Savatage

Date de sortie : 1991
Pays : États-Unis
Durée : 68’15
Label : Atlantic

Setlist

– Act I
1. Streets (6:50)
2. Jesus Saves (5:13)
3. Tonight He Grins Again (3:28)
4. Strange Reality (4:56)
5. A Little Too Far (3:25)
6. You’re Alive (1:51)
7. Sammy and Tex (3:07)
– Act II
8. St. Patrick’s (4:17)
9. Can You Hear Me Now (5:11)
10. New York City Don’t Mean Nothin (4:01)
11. Ghost in the Ruins (5:32)
12. If I Go Away (5:17)
13. Agony and Ecstasy (3:33)
14. Heal My Soul (2:35)
15. Somewhere in Time (3:17)
16. Believe (5:42)

Bonus track on 1997 reissue:
17. Desiree (acoustic version) (3:54)

Bonus tracks on 2002 reissue:
17. Ghost in the Ruins (live *) (5:20)
18. Jesus Saves (live *) (4:04)

Line-up

– Jon Oliva / vocals, piano
– Criss Oliva / guitars, backing vocals
– Johnny Lee Middleton / bass, backing vocals
– Steve Wacholz / drums & percussion

With:
– Robert Kinkel / keyboards, children’s choir conductor
– Abi Reid / backing vocals
– The Metropolitan Opera Children’s Choir, NYC / chorus vocals

Votre avis

Une réponse

  1. Fred

    Pour moi Savatage est un groupe à part et cet album grandiose est en effet la pierre angulaire de leur oeuvre. Merci de le faire revenir sur le devant de la scène.

     
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