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Sully
4.0TOP 2016

Les premières images sont saisissantes. Dans un cauchemar post-11 septembre, Chesley Sullenberger, “Sully“, écrase son A320 et les 155 personnes à bords dans les tours de Manhattan. Fantasme mortifère. Le 15 janvier 2009, c’est pourtant bien sur le fleuve Hudson que le commandant amerrira, sauvant tous les passagers par une manœuvre à la fois audacieuse et, selon les assureurs, discutable. Héros malgré lui, le pilote sera en effet au cœur d’une enquête cherchant à comprendre pourquoi il a pris cette décision alors que tous les algorithmes et logiciels indiquent froidement qu’il aurait pu rentrer pépère à LaGuardia ou Teterboro sans risquer la vie de qui que ce soit, ni abimer son appareil. Dès lors, Sully doutera de cette qualité de héros que les médias lui attribut.

En reprenant cette incroyable histoire, notamment ce qui se passa après l’événement en question, Clint Eastwood joue une nouvelle fois avec la fameuse zone grise de sa filmographie et de son image iconique. Anti-film catastrophe, construit subtilement via des flash-backs et autres visions traumatiques, la narration s’attache à ce type “ordinaire” plongé dans une histoire extraordinaire qui le dépasse suffisamment pour le faire réfléchir sur sa propre intégrité. Dans la peau de ce personnage, Tom Hanks s’avère l’acteur idéal avec son profil à la James Stewart, cette forme de héros américain qui n’en fait jamais trop, qui puise sa force dans ses propres convictions, même défaillantes, dans une simplicité bercée de peu de mots mais où les expressions, du visage, des regards, en disent bien plus qu’un long discours.

Film pansement sur New-York et l’Amérique, d’où le suspense est logiquement évacué au profit d’une dramatisation somme toute un peu forcée (les assureurs et leur allure d’archétypes-ombres), notamment vis-à-vis d’une réalité moins douloureuse, Sully offre un biopic impeccable, d’une efficacité totale. C’est une excellente habitude, Clint Eastwood réalisateur reste d’une exemplaire sobriété, et comme son héros sorti de l’univers d’un Capra, il refuse tout compromis facile avec la technologie… tout en s’essayant à la technologie Imax ! Le film se revêt ainsi d’un classicisme tout Eastwoodien, jamais statique, ni engoncé. Un maître de la mise en scène en action. Plus lumineux que la plupart de ses derniers films, Sully s’inscrit dans la lignée de son précédent opus, American Sniper, autre biopic sur un héros contesté (et contestable). Bien que reprenant certaines trames narratives, voire des gimmicks faciles (les images vraies pendant le générique), il est fascinant de noter à quel point Chesley Sullenberger est l’antithèse parfaite de Chris Kyle. Que ce soit sur les valeurs morales, comme sur le traitement cinématographique. Entre le Texas et la chaleur du Moyen-Orient et un New-York glacé sururbanisé pour l’autre, deux mondes s’opposent, deux individus, deux conceptions de l’héroïsme américain.

En ce sens, Clint Eastwood livre ici une sorte de deuxième volet d’un étonnant dytique non avoué dont on pourra évidemment se demander, à la manière de Mémoires de Nos Pères (2006) et Lettres d’Iwo Jima (2007), vers lequel « l’homme » Eastwood tend le plus. Les polémiques de ses prises de position politiques deviennent alors d’autant plus intéressantes à décrypter et Sully ne manquera pas de surprendre ceux qui ne verraient en lui qu’un ersatz ultra-réactionnaire. Acteur de son propre mythe, un élément de réponse pourrait être aperçu dans un plan du film, étonnant, où Clint Eastwood apparaît passivement : dans les rues de New York,  l’affiche de Gran Torino avec son acteur-réalisateur en gros plan, s’expose en grand large. Ce visage marqué et sévère nous rappelle, si besoin, que le bonhomme surplombe son œuvre et ajoute un chapitre à sa propre légende.

Et si American Sniper posait de nombreuses questions, Sully nous incline au respect le plus total pour ce conteur virtuose de 85 ans (!) qui n’aime rien tant que les héros ordinaires. Ajouté à la beauté plastique et porté par un casting impeccable au-delà même de son acteur principal (Aaron Eckhart d’une sobriété magnifique), Sully est une reconstitution méticuleuse qui n’en fait jamais trop, dont on pourra reprocher la fin, abrupte, sèche, le traitement trop secondaire et sous-exploité de la famille, mais porté par une tension permanente focalisée sur son sujet. Sans fioritures. Quoiqu’on en dise, l’auteur Clint Eastwood reste admirable.

SULLY de CLINT EASTWOOD

Sully - Clint Eastwood (2016)

Titre : Sully
Titre original : Sully

Réalisé par : Clint Eastwood
Avec : Tom Hanks, Aaron Eckhart, Laura Linney…

Année de sortie : 2016
Durée : 95 minutes

Scénario : Todd Komarnicki, d’après Highest Duty: My Search for What Really Matters de Chesley Sullenberger et Jeffrey Zaslow
Montage :  Blu Murray
Image : Tom Stern
Musique :  Christian Jacob
Décors : James J. Murakami

Nationalité : États-Unis
Genre : Drame / Biopic
Format : couleur – 2,39:1 – son Dolby numérique

Synopsis : L’histoire vraie du pilote d’US Airways qui sauva ses passagers en amerrissant sur l’Hudson en 2009.  Le 15 janvier 2009, le monde a assisté au “miracle sur l’Hudson” accompli par le commandant “Sully” Sullenberger : en effet, celui-ci a réussi à poser son appareil sur les eaux glacées du fleuve Hudson, sauvant ainsi la vie des 155 passagers à bord. Cependant, alors que Sully était salué par l’opinion publique et les médias pour son exploit inédit dans l’histoire de l’aviation, une enquête a été ouverte, menaçant de détruire sa réputation et sa carrière…

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