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Bernard Lavilliers
17 juin 2022 – L’Olympia

Indépendamment de ce que l’on pense du personnage, on ne peut que reconnaitre le charisme indicible et la présence magnétique du Stéphanois sur scène, des qualités qui font défaut à tant d’artistes. Lavilliers live demeure, à l’image d’un voyage au long cours, une expérience dont on se délecte longtemps à l’avance, qui vous transporte tout au long du show et qui résonne longtemps encore, tous feux éteints, comme les échos d’ancienne fortune, pour reprendre les mots de l’artiste. Et ce soir, pour cette première d’une série de trois dates à L’Olympia (un salle qu’il affectionne particulièrement et dont il a foulé les planches pour la première fois en 1978), à l’aube d’une tournée au travers de l’hexagone, célébrant son grand retour au terme des périodes de restrictions sanitaires et avec une ferme envie de défendre son dernier album Sous un soleil énorme (dont il jouera 5 titres), il n’en est guère différent.

Certes, du haut de ses 75 ans bien plombés, le Voleur de Feu, doit faire quelques concessions. Accepter la présence d’un tabouret pour une partie du set, choisir des morceaux requérant moins d’efforts vocaux et délaisser les uppercuts que sont “Traffic” ou “Le clan mongol” qu’il nous délivrait, quelques années auparavant, tel que le boxer qu’il fut, dans le déluge des stroboscopes et avec une puissance de feu que n’auraient pas renié certains groupes de hard rock. Ce qui ne l’empêche pas, à mi-parcours du concert, comme à son habitude, de se frayer un chemin dans le public de l’orchestre pour venir continuer à chanter au balcon, accompagné de deux musiciens et encadré par quelques molosses, bien évidemment.

Et si Bernard Lavilliers continue à tenir sa scène comme nul autre, de son regard oblique et de ses mots, il faut aussi souligner que les musiciens phénoménaux qui l’accompagnent contribuent intégralement au show. Le chanteur est épaulé par ses fidèles compagnons de route (tels que le claviériste et accordéoniste Xavier Tribolet, le guitariste et trompettiste Olivier Bodson, le guitariste Vincent Faucher ou le batteur Michaël Lapie) que l’on ne présente plus, tous virtuoses et bien souvent multi-instrumentistes. On notera également ce soir l’arrivée du brillant Antoine Reininger, à la basse et à la contrebasse, qui a collaboré avec de grands noms du jazz comme Didier Lockwood. Et chacun d’entre eux, tout au long du set, se voit l’opportunité de briller, apportant à la musique une dynamique et une palette de couleurs extraordinaires.

Lavilliers propose un set très équilibré. Nous retrouvons tout d’abord l’artiste profondément engagé, politiquement comme socialement, avec son premier single “Le cœur du monde”, extrait de Sous un soleil énorme, la plume guidée par cette lucidité qui, selon les mots de René Char repris ce soir à son compte, «est la blessure la plus proche du soleil ». Mais également au travers d’une superbe version de “Scorpion” (qui tente d’éveiller les « majorités silencieuses»), de “Beautiful days” (sur laquelle il égratigne le chef d’état français actuel), des inévitables “Troisièmes couteaux” et « Les mains d’or” ou encore de “Bon pour la casse“, qui à la manière du récent et magnifique film de Stéphane Brizé, Un autre monde, rappelle que les cadres peuvent également se retrouver sacrifiés sur l’autel du profit. Et enfin, sa version intimiste et très organique de “Petit“, qui traite du drame des enfants soldats, contribue à souligner la dimension presque activiste de l’artiste. Lavilliers c’est également le voyageur qui arpente le globe, hors des sentiers battus, mû par cette magnifique phrase de Blaise Cendrars « Quand tu aimes il faut partir ». Les compositions comme “Marin“, “On the road again” et bien sûr “Voyageur” illustrent ce soir une fois de plus cette soif de l’inconnu et du départ. Mais, plus encore, c’est surtout une certaine idée du voyage que défend le chanteur. Partir longtemps pour partager et s’imprégner du quotidien, des lieux, des visages et des vies, au plus proche des êtres. Et nous faire vibrer en retour, au rythme de ces notes de voyages. Que ce soit dans un esprit de fête (“La Salsa” et “Borinqueno“) ou parfois avec un goût amer comme sur “Fortaleza” (où seul à la guitare il rate quelques accords sans perdre sa contenance). Et parfois les deux, avec le reggae de “Stand the Ghetto“, ce grand élan musical festif célébré les pieds dans la pauvreté. L’Argentine est également à l’honneur avec deux extraits de son dernier album, “Les portenos sont fatigués” sur lequel il ouvre le set et surtout “Noir Tango” titre qui, s’il nous avait moins convaincu en version studio, prend ici magistralement son envol.

Au-delà de quelques autres classiques qui continuent à faire vibrer le public à l’unisson (comme “La grande marée” et “Idées noires“), la plus grande surprise de la soirée réside très certainement dans la décision de Lavilliers d’exhumer quelques magnifiques compositions telles que “Gentilshommes de fortune” (quel texte !) ou encore “Samedi soir à Beyrouth” et surtout, accoudé au piano, de nous livrer une version poignante de l’extraordinaire “La malédiction du voyageur“, titre que, personnellement, je n’avais jamais entendu live. Et c’est d’ailleurs sur ce morceau qu’il quitte la scène, non pas par les côtés mais posant son micro et disparaissant sans se retourner vers l’arrière, nous laissant (à dessein ou non) sur ces quelques mots « Si je chante c’est pour ne pas mourir un jour ». Et c’est non sans une certaine tristesse que nous laissons les lumières de L’Olympia se rallumer, conscient d’avoir vécu un moment extraordinaire, tout en mesurant, à juste titre au regard de ces mots, la fragilité de la vie. Mais une chose est certaine, ce soir, une fois de plus, Lavilliers nous a emmené « En musique vers le rêve éternel ».

Setlist

Les Porteños sont fatigués
Voyageur
Scorpion
Samedi soir à Beyrouth
La grande marée
Petit
Je cours
Beautiful Days
Troisièmes couteaux
Bon pour la casse
Fortaleza
On the Road Again
Le coeur du monde
Noir tango
Gentilshommes de fortune
Idées noires
Stand the Ghetto
Toi et moi
Borinqueno
La salsa

Encore :

Marin
Les mains d’or

Encore 2 :

La malédiction du voyageur

Lavilliers - Olympia 2022
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