L’année 1989 est à marquer d’une pierre blanche. Année pivot par excellence, elle témoigne de l’avènement du prog-metal avec 3 parutions concomitantes. Tout d’abord When Dreams and Day Unite de Dream Theater en Mars, Perfect Symmetry de Fates Warning au cours du mois d’Août et enfin, Control and Resistance de Watchtower en Novembre. Trois groupes américains, les premiers originaires de New York, les seconds du Connecticut et les derniers du Texas, chacun avec sa propre vision de ce style qui émerge au confluent de multiples influences et dans la prolongation des fondamentaux développés par les ténors d’un rock progressif à consonance hard rock (Rush), d’un rock progressif aux bases jazzy (UK) ou d’un heavy metal à tendance progressif (Queensrÿche, Crimson Glory) pour n’en citer que quelques-uns.
Dream Theater est depuis devenu le référent absolu en la matière avec plus de 15 albums studios, dont le tout dernier, A View from the Top of the World, qui a indéniablement replacé le groupe au centre de l’échiquier. Watchtower a disparu de la scène, rentrant dans un long sommeil jusqu’à un improbable EP en 2016. Fates Warning a quant à lui aligné 13 albums studio, faisant figure d’éternel outsider, un statut fortement démérité lorsqu’on se penche sérieusement sur son œuvre qui regroupe notamment 4 albums phénoménaux entre 1989 et 1997, dans une veine très mélodique, avec des qualités techniques indéniables mais sans démonstration outrancière et avec des textes introspectifs plutôt en dehors des codes du genre, culminant avec A Pleasant Shade of Grey, un fantastique concept album sombre et mélancolique sur lequel on retrouve Kevin Moore (Dream Theater) aux claviers. En dépit d’un véritable talent et d’une identité propre, le groupe n’aura jamais connu le succès escompté. Et avec Long Day Good Night, 13ème album du groupe, le guitariste Jim Matheos, fondateur et leader incontesté de Fates Warning, a officiellement décidé de mettre un terme à l’aventure et ce, indépendamment d’un retour en forme incontesté du groupe depuis l’arrivée derrière les fûts de Bobby Jarzombek (en 2007).
Jeff Wagner, fan de la première heure (déjà connu pour sa biographie de Peter Steele, le leader de Type O Negative), a réalisé avec Destination Onward un travail réellement herculéen, s’appuyant sur de nombreux témoignages, documentant de manière minutieuse l’histoire de Fates Warning, des premières heures du groupe en 1983, à l’actualité la plus récente sans omettre de couvrir les projets parallèles. Un regard fascinant sur l’ascension progressive du groupe, les changements de line-up, le processus créatif, l’évolution de son style au fil des années et bien sûr, avec une lucidité prégnante, les raisons qui ont concouru à maintenir le groupe dans cette situation d’outsider alors que l’album Parallels cochait toutes les cases en 1991 pour positionner Fates Warning en haut de l’affiche et lui permettre de passer d’un succès d’estime à un véritable succès commercial.
L’auteur a, pour ce faire, avec le soutien indéfectible de Jim Matheos, personnage de facto central de cet ouvrage, retrouvé tous les musiciens qui ont apporté leur pierre à l’édifice Fates Warning et également interviewé de multiples personnes extérieures au groupe. Parmi cette galerie de personnages, on croise par exemple Brian Slagel, le patron de Metal Blades (au rôle prééminent puisqu’il a découvert le groupe sur la base d’une démo à une époque où celui-ci s’appelait encore The Misfits) ou Mike Portnoy autre fan de la première heure. Tous ces entretiens sont émaillés d’une multitude d’anecdotes. Ainsi, Portnoy (dont Awaken the Guardian, dernier LP avec John Arch au chant paru en 1986, est un des disques de chevet) relate dans ce livre l’audition de ce dernier pour Dream Theater en 1990 alors que le groupe venait de se séparer de Charlie Dominici. On y apprend également que c’est Ron Jarzombek (futur guitariste de Watchtower !) qui avait été un moment pressenti pour succéder à Victor Arduini. Autre exemple, les raisons profondes du départ de John Arch, véritable schisme pour les fans de la première heure, y sont également très bien expliquées. D’ailleurs sur ce sujet, comme sur nombre d’autres, et c’est qui fait la richesse de cette véritable bible, Jeff Wagner n’hésite pas à confronter les différents points de vue.
Avec quasiment 400 pages agrémentées de magnifiques photos, Destination Onward est l’ouvrage de référence par excellence concernant Fates Warning. Un must absolu pour tous les fans du groupe. Hélas le livre n’existe qu’en langue anglaise à ce stade.
JEFF WAGNER – DESTINATION ONWARD: THE STORY OF FATES WARNING
Titre : Destination Onward: The Story of Fates Warning
Auteur : Jeff Wagner
Date de sortie : 2022
Broché : 400 pages
Éditeur : FYI Press Inc
Dimensions : –
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