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Watchtower - Control and Resistance
4.8Note Finale

Alors que la question de la paternité du metal progressif est encore source d’intarissables et tout aussi enthousiastes débats, la communauté musicale s’accorde en revanche à reconnaître que l’année 1989 fait certainement figure d’année pivot, avec pas moins de 3 parutions concomitantes préfigurant l’avènement du style. Tout d’abord avec When Dreams and Day Unite de Dream Theater en Mars, puis avec Perfect Symmetry de Fates Warning au cours du mois d’Août et enfin, avec Control and Resistance de Watchtower en Novembre (notons que ce constat ne remet aucunement en cause l’apport précieux au style des albums Transcendance de Crimson Glory et Operation Mindcrime de Queensrÿche parus quelques mois auparavant, fin Novembre 1988).

A l’écoute de ces parutions, si le groupe Dream Theater s’impose comme le plus épique des trois avec un rôle plus prépondérant accordé aux claviers dans la grande tradition du rock progressif, et si Fates Warning se distingue par plus d’introspection, des tonalités plus sombres et une grande sensibilité, Watchtower se révèle quant à lui le plus barré et le plus brutal du lot, avec une musique aux confins d’un jazz métal hyper technique tout aussi racé que puissant et de fait, surement moins accessible que ses pairs. Dit différemment, Control and Resistance, sublimement en avance sur son temps, est un véritable ovni dans le paysage musical de l’époque. Et une quelque trentaine d’années plus tard, alors que le métal progressif est devenu un genre bien établi avec nombre d’albums de références, la réécoute de ce disque saisissant, qui n’a absolument rien perdu de sa superbe, force toujours autant le respect.

En cette année 1989, les texans de Watchtower n’en sont pas à leur coup d’essai. Un premier album intitulé Energetic Disassembly avait vu le jour en 1985. Si les bases techniques étaient déjà là, portées par l’extraordinaire rythmique constituée par le bassiste-lyriciste Doug Keyser et le batteur Rick Colaluca, le résultat final pouvait apparaître encore quelque peu embryonnaire et bien plus techno-trash que progressif. Ce qui explique d’ailleurs que l’album ait été souvent cité en référence dans le monde du metal extrême et ainsi, notamment acclamé par le regretté Chuck Schuldiner (Death, Control Denied).

Le line-up du quatuor est sérieusement remanié pour l’album Control and Resistance. Dès fin 1986 le groupe intègre en son sein Ron Jarzombek, un redoutable guitariste fortement empreint de l’héritage d’Allan Holdsworth, qui vient étoffer les structures jazzy de la musique de Watchtower tout en intégrant plus de complexité et des harmonies hors normes parfois très dissonantes. Et au-delà de son apport technique, le guitariste a surtout une idée très précise de la manière dont la musique du groupe doit évoluer et sonner. Son influence est telle que la première version de l’album, écrite avant son arrivée, est profondément retravaillée, évoluant vers une musique plus ambitieuse, sorte de fusion unique d’un métal trempé avec un jazz rock bluffant et une touche de progressif, au croisement de groupes comme Coroner, Mahavishnu Orchestra et UK, permettant d’aboutir à cette formule unique que constitue Control and Resistance. C’est Alan Tecchio, à la voix de falsetto impressionnante, officiant alors au sein du groupe Hades, qui est sollicité pour reprendre le micro après le départ du chanteur historique du groupe Jason McMaster et au terme d’un essai qualifié d’infructueux avec Mike Soliz (une de ses performances a été gravée dans la cire avec une version de “Dangerous Toys” figurant sur la compilation Doomsday News 2). Ce dernier changement intervient alors que le groupe vient de signer avec Noise et s’apprête à rentrer en studio un mois plus tard dans les studios mythiques du SkyTrak de Berlin pour enregistrer ce disque majeur, laissant dès lors très peu de temps à Alan Tecchio pour s’approprier les textes et réfléchir aux lignes vocales d’un album initialement écrit pour un autre chanteur !

Si les deux premiers morceaux qui ouvrent l’album, “Instruments of Random Murder” et “The Eldritch” ont pour mérite de nous permettre de jauger l’ouragan Watchtower et cette déferlante musicale qui multiplie les signatures rythmiques, les breaks en contrepoints, les solos dantesques et nous gratifie d’un dialogue constant entre les instruments, c’est vraiment avec le groove imparable du troisième titre “Mayday in Kiev” que l’album prend son envol. Lui succède l’étourdissante et complexe pièce de 8 minutes “The Fall of Reason“, très progressive, une dimension que l’on retrouve avec succès sur le remarquable et subtil “Life Cycles” (qui demeure mon morceau préféré de cet album, avec une intro majestueuse et un splendide break à mi-chemin). Le bref “Hidden Instinct” n’apporte rien de neuf (et paraitrait presque dispensable si la discographie du groupe n’était pas aussi courte) mais les compos “Control and Resistance” et “Dangerous Toys” (titre qui clôture l’album de la plus belle façon) enfoncent définitivement le clou et mettent la barre très haute pour toutes les générations à venir. Ajoutons à cela que les textes sont plutôt bien écrits et démontrent en tout cas une envie de s’éloigner des poncifs du genre. Le texte de “Life Cycles“, presque méditatif, n’est pas exempt d’une certaine poésie. “Mayday in Kiev” revient sur la catastrophe de Tchernobyl et la calamiteuse gestion de la crise par le gouvernement soviétique à l’époque. “i”, en avance sur son temps, évoque en filigrane la protection des droits et des données personnelles.

Et pourtant, en dépit de ce disque absolument fantastique qui aura défriché tant de territoires nouveaux, « à des années lumières de tant d’autres groupes » comme le soulignera par la suite l’ex-batteur de Dream Theater, Mike Portnoy, le scénario s’arrêtera brutalement et le groupe ne sera pas au rendez-vous des espoirs qu’il avait su faire naître. Alors que Watchtower prévoyait de s’atteler au successeur de Control and Resistance, intitulé Mathematics, des problèmes à la main gauche tiendront Ron Jarzombek éloigné du groupe pendant deux longues années et nombreuses seront, plus tard, les tentatives avortées pour retrouver le fil d’Ariane. Le groupe rentrera dès lors dans un long sommeil ponctué de micro-réveils sans jamais pour autant officiellement splitter. Et tandis que Fates Warning et Dream Theater permettront au métal progressif d’acquérir définitivement ses lettres de noblesses avec deux œuvres majeures, Parallels pour le premier (fin 1991) et Images and Words pour le second (mi-1992), il faudra hélas attendre l’année 2016 pour que Watchtower nous propose enfin un début de suite tant attendue avec l’EP Concepts of Math: Book One. Un rendez-vous manqué avec l’histoire qui fait aujourd’hui de Watchtower un groupe culte et qui sacralise d’autant plus l’album Control and Resistance que nous propose ici en réédition le label Cherry Red Records et ce, pour notre plus grand bonheur.

WATCHTOWER – CONTROL AND RESISTANCE

Watchtower - Control and Resistance (1989)

Titre : Control and Resistance
Artiste : Watchtower

Date de sortie : 1989/2022
Pays : États-Unis
Durée : –
Label : Cherry Red Records

Setlist

1. Introduction, Pt. II
2. Divide & Conquer
3. Destroyer
4. Metamorphosis
5. Mothership
6. Just Before the Dawn
7. Hybrids
8. Hunted
9. Maschinenmensch
10. Parasite
11. Brave New World (Outro)

Line-up

– Michael Romeo / Guitars, Bass, Keyboards

Guest Musicians:

  • Dino Jelusić / Vocals
  • John DeServio / Bass
  • John Macaluso / Drums
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