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North Sea Echoes - Really Good Terrible Things
5.0TOP 2024

Ce nouveau projet, North Sea Echoes, est la première collaboration du guitariste Jim Matheos et du chanteur Ray Alder, deux des plus emblématiques membres de Fates Warning (référence majeure du mouvement prog metal), depuis la mise en sommeil du groupe en 2020. Avec pour parti pris, celui de s’éloigner foncièrement des codes du prog metal et d’aborder des rivages musicaux diamétralement opposés.

Cette merveille de sensibilité qu’est Really Good Terrible Things privilégie en effet des paysages sonores dans une tonalité globale plutôt lente et parfois contemplative, adjoignant, au gré des titres, quelques légères touches électroniques à la dimension intrinsèquement organique de l’écriture de Jim Matheos, sans doute pour mieux l’ancrer dans une certaine modernité. Et c’est Ray Alder, impérial de bout en bout, qui vient sublimer et magnifier cette singulière trajectoire musicale. De cette voix qui n’a cessé d’évoluer au fil des années avec, aujourd’hui, ce registre médium assez unique, à même de distiller de rares émotions, notamment sur les partitions les plus atmosphériques. Grâce également à cette capacité à façonner des mélodies vocales marquantes qu’il vient apposer ici avec justesse ; un tour de force au regard de la nature, par essence, très minimaliste de la musique. Et enfin, au travers des fragments de vie fictionnels narrés par le chanteur avec une tonalité remarquablement authentique, créant ainsi la sensation d’une vertigineuse intimité et d’une troublante proximité, amplifiée par l’utilisation fréquente de la première personne du singulier.

Ce disque résonne dès lors comme une abyssale plongée dans les profondeurs d’un océan intérieur. Avec des émotions qui nous parviennent comme de lointains échos quelque peu déformés, boucles, réverbérations et effets de voix à l’appui, remontant peu à peu vers la surface comme pour mieux nous envahir. Un monde gris spleen, à l’image de cette Mer du Nord (« North Sea »), où tout évolue au ralenti dans une visibilité floue et des courants peu à même de réchauffer l’âme humaine. Un monde qui ne permet de porter sur la vie qu’un regard tout aussi désabusé que lucide et dont émerge parfois une lueur d’espoir. Un monde, enfin, où les combats se mènent seul et bien souvent contre soi-même, comme le rappelle le chanteur dans “Throwing Stones“, l’une des plus belles réussites de cet album.

Le single ”Open Book” donne, dans une certaine mesure, le ton du disque. Sans doute parce que c’est le premier titre écrit par le duo pour ce projet. Mélancolie mais aussi acceptation que tout n’est que cycle et que chaque histoire a une fin, non sans une certaine poésie («But no matter how those lines are written, every story has an end / Mais quelle que soit la manière dont ces phrases sont écrites, toute histoire a une fin»). Amertume sur “Where I am From”, face à un quotidien de faux semblants («We try to laugh but instead an awkward smile hangs from our faces / Nous essayons de rire, mais c’est un sourire gêné qui se dessine sur nos visages») et nostalgie des temps révolus. Un titre qui contient l’une des plus belles partitions de Ray Alder sur cet album, couplée à des sonorités d’un autre monde. “Unmoved“, dont les premières notes évoquent irrésistiblement Nick Drake, restitue quant à lui parfaitement cette impression de détachement absolu, d’indifférence au monde et d’éloignement progressif généré par certains états dépressifs. ”The Mission” s’apparente à une véritable immersion dans les pensées d’un personnage schizophrène qui essaie tant bien que mal de reprendre le contrôle de sa vie («Because I’m living doesn’t mean that I’m alive / Ce n’est pas parce que je suis en vie que je me sens réellement vivant»). Le titre, porté par un splendide refrain («What kind of place is this when shadows hide in daylight / Quel est ce monde où les ombres se cachent en plein jour?»), constitue une réelle rupture dans cet album de par son style enlevé et son sentiment d’urgence. Avec Empty“, la montée en puissance (seul emprunt heavy à un lointain héritage Fates Warning) se fait l’expression d’une colère sourde mais n’en est pas pour autant salvatrice face à la violence des mots d’une confrontation verbale.

Mais tout n’est pas que situations inextricables. Ainsi, si l’élégant “Flowers in Decayconcède la réalité de la déroute sentimentale Those days now are gone, we let the fire burn too long / Ces jours sont maintenant révolus, nous avons laissé le feu s’éteindre lentement») et offre une perspective encore incertaine, avec un pied dans le passé et l’autre dans l’avenir (très bien symbolisés par cette musique aux moments suspendus), le morceau évoque aussi et surtout la détermination d’aller de l’avant, comme en écho à ce tempo décidé. “Throwing Stones“ aborde, dans un rythme lancinant, la peur irraisonnée du bonheur mais laisse deviner en filigrane l’expression d’un vestige de volonté («Now the sunlight begins to creep in. I guess I’ll try again / Maintenant que la lumière du soleil commence à poindre, je vais peut-être encore réessayer une nouvelle fois»). Sur le bouleversant “Touch the Sky“, les regrets ne sont pas de mise et le narrateur nous invite à ne pas renoncer à cette course éperdue du bonheur, indépendamment des illusions qui ont jalonné notre route («We spent our lives always looking at stars that weren’t even there  / Nous avons passé notre vie à contempler des étoiles qui n’existaient même pas»). La douceur de “We Move around the Sun“ offre une parenthèse d’apaisement et de sérénité : si tout n’est que marche vers une fin inéluctable, devons-nous pour autant nous départir de cette fabuleuse capacité à rêver au-delà de l’inimaginable («The dreams we never had may still come true / Les rêves que nous n’avons jamais eus peuvent encore se réaliser»). Enfin, “No Maps“ conclut l’album sur une note résolument positive avec cette exhortation à laisser advenir pour mieux embrasser les champs du possible («There are no maps where I’m going (…) but maybe I’m already there / L’endroit où je vais ne figure sur aucune carte (…) et peut-être suis-je déjà arrivé») à la manière de ce vagabond qui trouve son bonheur dans la solitude du cheminement vers l’inconnu.

En dix compositions d’une durée moyenne de 4 minutes, Jim Matheos et Ray Alder viennent d’emprunter un surprenant chemin de traverse pour écrire avec North Sea Echoes le premier chapitre d’une œuvre profondément humaine, replaçant l’émotion au centre du propos et illustrant plus que jamais l’idée selon laquelle “La bonne musique ne se trompe pas et va droit au fond de l’âme chercher le chagrin qui nous dévore.”

NORTH SEA ECHOES – REALLY GOOD TERRIBLE THINGS

North Sea Echoes - Really Good Terrible Things (2024)

Titre : Really Good Terrible Things
Artiste : North Sea Echoes

Date de sortie : 2023
Pays : États-Unis
Durée : –
Label : Metal Blade Records

Setlist

1 Open Book
2 Flowers In Decay
3 Unmoved
4 Throwing Stones
5 Empty
6 The Mission
7 Where I’m From
8 We Move Around The Sun
9 Touch The Sky
10 No Maps

Line-up

– Ray Alder / vocals
– Jim Matheos / guitars
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