Pendragon – North Star (EP)

Trois années après Love over Fear – ce magnifique disque bercé par l’océan, baigné de lumière et résolument tourné vers la vie – Pendragon vient de reprendre son voyage au long cours, toutes voiles dehors, porté par un souffle extraordinaire. Avec l’étoile du Nord pour guide, point de référence ancestral des explorateurs pour s’orienter sur l’immensité de l’océan, le groupe nous invite, au-delà de la ligne d’horizon, à un périple aux confins de l’émotion, dont ce tout nouveau mini-LP d’environ 24 minutes constitue une première escale.

Tout concourt à souligner le continuum avec le précédent album. L’artwork particulièrement réussi, œuvre une fois de plus de l’artiste Liz Saddington, perpétue cette nouvelle iconographie qui avait alors substantiellement renouvelé l’image du groupe, l’inscrivant dans une certaine modernité et le distinguant dans l’univers rock. De cette peinture aux tons pastels apaisants émane une réelle poésie qui annonce et prolonge la dimension onirique de la musique du groupe. La symbiose est d’autant plus forte que Nick Barrett, auteur compositeur et leader de Pendragon, renoue ici avec une écriture inspirée qui ravira les fans et achèvera de convaincre les autres, rappelant le rôle prépondérant du groupe dans le mouvement néo-prog et imposant d’ores et déjà North Star comme un disque tout aussi indispensable qu’emblématique. Avec le parti pris du courage et de l’espoir, tant au travers des notes que dans le choix des paroles. En un mot : solaire. La production est remarquablement assurée par Karl Groom qui a su capturer et restituer parfaitement, une fois de plus, l’essence même de Pendragon, témoignage du lien indéfectible entre les deux hommes depuis la première contribution de Karl à l’album The World.

Le premier joyau de ce mini-LP est la composition à tiroirs “North Star“, pièce maîtresse de 17 minutes articulée autour de trois sections illustrant différentes facettes de la musique du groupe, reflet d’une naturelle évolution à l’aune de ces quarante-cinq années de carrière. Et la magie opère dès les premières notes de “A Boy And His Dog“; jamais Nick Barrett n’a restitué avec plus de justesse et de sensibilité l’innocence de l’enfance et cette propension à construire des mondes imaginaires à partir de rien, vers lesquels s’évader dans ce moment présent qui semble s’étirer vers l’infini.  Avec un regard teinté de nostalgie mais qui traduit encore l’émerveillement. La seconde partie, “Dead as a Dodo“, plus courte, contraste par son ton enjoué et son ironie mordante. La dimension organique y est amplifiée par des passages acoustiques et une partition de violon. La troisième, lyrique et symphonique, intitulée “Phoenician Skies“, nous porte comme cette vague de l’espérance soudaine qui renaît, à l’image de la terre annoncée du haut de la vigie alors que tout espoir paraissait perdu. Une invitation à garder la foi chevillée au cœur, guidé par la symbolique de l’étoile polaire. La composition est sublimée par la guitare de Nick Barrett qui se fait, tour à tour, aérienne et presque jazzy  sur le solo de “A Boy And His Dog” puis déliée et appuyée dans la grande tradition du rock progressif sur celui de “Phoenician Skies“. Et également par les chœurs de Johanna Stroud qui apportent une très belle couleur aux refrains. Si Clive Nolan demeure présent derrière les claviers de Pendragon, c’est en revanche John Barnfield, le claviériste originel du groupe (1978-1984), qui le supplée sur la section “Phoenician Skies“, complétant l’habillage sonore de manière somptueuse. Autre surprise, une élégante intervention de Nick Barrett sur le solo de claviers final. La rythmique basse batterie constituée du fidèle Pete Gee et de Jan Vincent Velazco (qui a rejoint les rangs du groupe en  2015) donne, quant à elle, toute la mesure de son talent, sans doute renforcée par cette connivence que nous avons pu observer sur scène à maintes reprises.  En somme, même si Nick Barrett demeure le seul maître à bord du fier voilier Pendragon,  “North Star” illustre une performance collective avec ce qui, à ce jour, semble être le meilleur line-up de toute l’histoire du groupe. Dernier point et pas des moindres, le frontman, dont on se souviendra de la volonté de sortir de sa zone de confort vocalement et d’expérimenter de nouvelles choses sur Love over Fear, fait de nouveau montre ici de très belles intonations tout au long de la composition, variant les tonalités en accord parfait avec le propos. Mieux, il y apparaît presque transfiguré.

Le second joyau, “Fall Away“, se veut plus épuré tout en affichant une durée de 7 minutes. Une intro sur de splendides notes de guitares hispanisantes et un refrain entêtant qui prend plus d’ampleur à chaque écoute, au service d’un texte empreint d’une grande émotion nous enjoignant à mesurer chaque jour la sublime unicité de ce qui nous lie avec l’être aimé et de constamment œuvrer pour la préserver. Profondément humain et avec une grande résonance. Et certes mélancolique, mais toujours mu par ce rejet du déterminisme comme de l’attentisme.

Avec cette sublime musique traversée par une grande poésie, North Star tient définitivement la promesse d’une terra incognita majestueuse.

PENDRAGON – NORTH STAR (EP)

Titre : North Star (EP)
Artiste : Pendragon

Date de sortie : 2023
Pays : Angleterre
Durée : 24’16
Label : –