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C’est relax et la besace pleine de projets que le multi-instrumentiste Dave Bainbridge nous a accordé un entretien. À l’occasion de la sortie de son deuxième album solo, “Celestial Fire”, le guitariste de IONA revient sur ce qui l’inspire, ce qui l’a poussé à se lancer dans la musique et multiplier les collaborations artistiques.

De quoi faire plus ample connaissance avec un des musiciens les plus sympathiques et talentueux du genre.

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Chronique de “Celestial Fire”

Salut Dave, comment vas-tu ?

Dave Bainbridge : Très bien Cyrille, merci !

Celestial Fire est ton deuxième album solo. Il sort plus de 10 ans après Veil Of Gossammer. Pourquoi autant d’attente ?

Dave Bainbridge : Tu sais, j’ai été pas mal occupé avec de nombreux projets, notamment deux albums avec Troy Donockley (From Silence et When Worlds Collide), un autre avec David Fitzgerald (Life Journey), Nick Fletcher (Cathedral Dreams et le concerto pour guitare que nous avons co-écrit) en plus des quatre enregistrements studio et live avec Iona évidemment. Enfin, avec mon épouse Debbie, nous sommes également beaucoup investis dans un intense programme d’adaptation pour notre fils autiste, Luca. En fait, ces dix dernières années, je n’ai pas vraiment eu le temps de penser à un nouvel album solo.

Quelle a été ton approche créative pour ce nouvel album ?

Dave Bainbridge : L’une des choses que je souhaitais avant tout capturer dans la musique de cet album était l’excitation et l’intensité que je pouvais entendre avec les groupes que j’écoutais quand j’étais adolescent et tout jeune musicien. Je me souviens avoir écouté The Mahavishnu Orchestra dans un enregistrement live diffusé à la radio. J’avais 13 ans et ça m’avait littéralement scotché ! C’était de la pure puissance musicale en quelque sorte. Je n’ai jamais entendu quelque chose comme ça depuis. C’était une de ces expériences qui marque vraiment ton existence. Ce fut la même chose quand je vis Yes, Gentle Giant, Deep Purple et d’autres groupes sur scène pour la première fois. Avec Celestial Fire j’ai tenté de capturer quelques-unes des émotions qui m’ont poussé à me lancer dans la musique. Mon objectif n’était pas de faire un disque hommage, ni de reprises, mais de retrouver la créativité et la liberté artistique que j’avais expérimenté en tant qu’adolescent. Comme une continuité du passé. Une autre chose intéressante pour moi à propos de ce disque est mon implication comme jamais dans l’écriture des textes. Auparavant, j’utilisais d’autres sources ou d’autres auteurs comme des poèmes classiques etc. Avec Iona, c’est Joanne qui écrit tous les textes, même si j’interviens parfois dans les thèmes ou les concepts abordés. Pour Celestial Fire, j’ai collaboré avec David et Yvonne Lyon, qui sont de grands auteurs. Cela m’a permis d’être très à l’aise sur l’approche de ce que je souhaitais raconter.

Le son semble plus heavy également…

Dave Bainbridge : Oui. C’était intentionnel de ma part. J’ai toujours aimé l’intensité et l’excitation liées à la musique rock.

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Avec Iona, nous avons créé un son qui est certainement intense, surtout sur scène, mais à qui il manque certains éléments de ce qui m’a poussé à faire de la musique. Par exemple, l’une de mes grandes influences reste Jon Lord. J’étais juste admiratif du son qu’il arrivait à avoir sur son orgue Hammond, et combiné à sa virtuosité, le résultat était juste incroyable, viscéral. J’adore jouer dans ce sens mais cela ne serait pas approprié avec Iona où les claviers ont un rôle plus atmosphériques. J’ai bien joué quelques parties d’orgue sur mon premier album solo, mais à l’époque je n’avais pas accès à tous les sons dont je dispose aujourd’hui. Des sons qui retrouvent ce côté brut, guttural. Avoir les moyens de jouer plus heavy est donc également le résultat d’une meilleure technologie !  Et puis, j’ai toujours aimé les batteurs comme Simon Phillips, Billy Cobham, Gary Husband et Mike Portnoy. Des musiciens qui peuvent vraiment jouer rock’n’roll mais qui ont également un niveau technique exceptionnel. Pour ce nouvel album, je voulais travailler avec quelqu’un qui avait vraiment l’expérience du genre rock/metal progressif. Quelqu’un qui ne pouvait pas seulement interpréter des parties complexes, mais aussi donner de la densité, de l’ombre et de la lumière. Collin était capable de tout cela et son style s’intégrait parfaitement aux côtés plus heavy de l’album. J’adore son style de jeu qui était parfait pour ce que j’avais en tête.

J’ai également noté de nouvelles influences manifestes dans ta musique, comme Yes ou King Crimson…

Dave Bainbridge : Comme je te le disais, je souhaitais capturer ce que j’avais ressentis dans ma jeunesse. Bien sûr, Yes et King Crimson étaient deux groupes que j’aimais, et particulièrement Yes. Je ne crois pas que cela apporte fondamentalement de nouvelles choses dans ma musique car ils ont toujours été là. Je crois que c’est au moment où j’ai découvert Close to The Edge, Tales of Topographic Oceans et Relayer que j’ai réalisé que l’on pouvait combiner des compositions longues de type « classique » à une forme rock moderne. Tu n’avais plus besoin de te restreindre au format standard d’une chanson pop. Comme les compositeurs classiques, tu pouvais développer des thèmes et des idées, emmener les gens en voyage et leur faire ressentir tout un panel d’émotions. L’influence de King Crimson s’est quant à elle cristallisée avec le son unique de Robert Fripp, son approche du jeu aussi bien que son sens de l’improvisation que tu peux entendre sur ses compositions les plus expérimentales. J’ai toujours aimé improviser pour tenter d’arriver à quelque chose de neuf. C’est une façon de garder sa musique fraiche et excitante et dans mes concerts solos, j’ai l’habitude de toujours avoir un passage improvisé, spontané, principalement aux claviers.

« J’ai énormément d’enregistrements de fragments d’idées et des morceaux de manuscrits avec des petites choses notées dessus. »

Comment définirais-tu cet album ? Peut-on dire qu’il s’agit d’un concept album ?

Dave Bainbridge : Il n’y a pas un concept à proprement parler mais les chansons traitent globalement de l’amour, de la liberté et de la « lumière ». L’une des choses qui m’attire vraiment dans la musique est cette capacité de transporter l’auditeur, de l’extraire du quotidien, de le transcender. C’est comme ouvrir une connexion avec les autres qui était jusque-là dormante ou cassée. Pour moi, en tant que croyant, je vois cela comme une reconnexion avec notre nature spirituelle, la perception que nous sommes une part infime de quelque chose de plus grand que nous-mêmes, en tant qu’individus, et qu’il y a bien plus en ce monde que nos corps physiques. Si je devais décrire le thème de l’album en quelques mots, je dirai « Espoir » et « Merveille ».

Quel est ton processus créatif ? Écris-tu la musique ou est-ce purement instinctif ?

Dave Bainbridge : C’est habituellement une combinaison de nombreux processus. Parfois, j’ai une idée de ce qu’un morceau pourrait donner et j’écris alors une description de la façon dont j’imagine les choses. Ensuite, j’improvise des idées qui peuvent entrer dans ce corpus. Je suis parfois inspiré par des lectures que j’essaye de traduire en idées musicales. Parfois, je suis inspiré par un son de clavier très particulier qui me suggèrera un accord ou une séquence. J’ai énormément d’enregistrements de fragments d’idées et des morceaux de manuscrits avec des petites choses notées dessus. Une fois, j’avais un concept pour un nouveau projet et j’ai pioché à l’intérieur pour tester si une de ces idées pouvait servir. La plupart du temps, avoir cette idée initiale est assez simple. Le plus difficile est toujours de la développer en riff ou en mélodie et de l’intégrer dans une composition plus longue qui a un vrai sens musical. C’est la partie qui nécessite le plus d’habileté et d’expérience et le fait d’avoir étudié la composition au collège, même à un niveau basique, m’aide beaucoup. J’ai écouté une très grande variété de choses et de styles. Je crois que c’est essentiel pour un compositeur de savoir comment les autres développent leurs idées musicales.

Comment as-tu financé la production de Celestial Fire ?

Dave Bainbridge : Bonne question. En fait, voici une autre raison pour laquelle il s’est passé autant de temps entre mes deux albums solo. J’ai évidemment quelques relations avec des maisons de disques, mais avec l’évolution du marché, trouver quelqu’un pour financer cet album était devenu très compliqué. À l’époque où je commençais à réfléchir dessus, le « crowd funding » démarrait. Le principe était que les artistes pouvaient inviter les auditeurs à participer au financement d’un projet, en échange de quelques exclusivités, de bonus, ou simplement le plaisir de savoir qu’ils avaient aidé à la création d’un disque qui n’aurait pas vu le jour sans eux. Et donc, en 2013, j’ai lancé avec succès une campagne Indiegogo Fund et récolté près de 19.000 livres pour m’aider à produire l’album.

« Pour Celestial Fire, je voulais avant tout des voix masculines. Trouver les bons chanteurs fut probablement la chose la plus compliquée pour moi. »

Que penses-tu de cette solution ?

Dave Bainbridge : Incroyable ! L’enthousiasme et l’aide de toutes les personnes qui ont contribué est unique. J’ai senti comme une connexion, très profonde, entre l’artiste et le public. Cela m’a vraiment encouragé à faire le meilleur album possible. Je crois que c’est un principe gagnant-gagnant pour les artistes et leur public. Nous pouvons continuer à faire la musique que nous aimons quand les maisons de disques ne veulent plus les produire, et les fans ont en retour l’album d’un artiste qu’ils apprécient.

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Je pense que pour quelqu’un comme moi, qui a déjà une petite communauté de fans, cela fonctionne bien. Cela dit, je suis moins confiant pour des artistes qui débutent, sans aucune fan base pour supporter ce type de campagne. J’ai fait pas mal de recherche sur le sujet avant de me lancer, en essayant de voir ce qui avait marché et ce qui avait échoué. Cela a été un gros travail pour communiquer sur l’évolution du projet. Il a fallu faire des photos, des vidéos, chercher des bonus, s’occuper des précommandes etc. Mais cela valait le coup !

Il y a de nombreux invités sur l’album. Peux-tu nous en dire plus sur eux ?

Dave Bainbridge : J’ai toujours aimé travailler avec des personnes avec qui je n’ai jamais collaboré avant afin de voir quelle alchimie peut se créer. J’adore utiliser cette chance de garder la musique la plus fraiche possible. L’une des différences entre cet album et un album de Iona se trouve dans le choix des vocalistes. Même si Joanne intervient sur l’album, elle a un rôle plus « textural », moins central. Et puis je voulais avant tout des voix masculines.

Et ce n’est jamais facile.

Dave Bainbridge : Trouver les bons chanteurs fut probablement la chose la plus compliquée pour moi. Après avoir travaillé des années avec des chanteuses exceptionnelles, comme Joanne, je sais quels types de voix j’apprécie et ce qui correspond à mon univers musical. Pour cela, le choix d’un chanteur pouvait vraiment altérer le projet et la direction musicale de l’album. Je savais aussi que je ne voulais pas d’un simple chanteur rock. L’un de mes albums prog préféré est True Stories de David Sancious and Tone. J’adore le chant de Alex Ligertwood qui était puissant mais plein d’esprit et de subtilité. J’avais précisément quelqu’un en tête dans ce style mais il n’était pas disponible. C’est à ce moment-là que mon ami Pete Gee de Pendragon m’envoya son album solo Paris sur lequel chante Damian Wilson. J’ai toujours apprécié Damian mais je ne l’avais pas entendu chanter depuis quelques années et je fus vraiment impressionné ! Ce qui m’attire dans sa voix est cette capacité à pouvoir être vraiment rock et d’un autre côté très tendre. Il pouvait communiquer l’émotion que je souhaitais.

Et pour les autres musiciens ?

Je connais Kerry Minnear de Gentle Giant et sa femme Leslie depuis 1991. On se voit souvent lorsque je vais jouer près de chez eux. Kerry est un fan de Iona et il est venu nous voir plusieurs fois. J’ai rencontré sa fille Sally quand elle était encore à l’école et j’ai pu la découvrir quelques années plus tard dans le spectacle Lord of the Dance. J’aime beaucoup sa voix, très pure et naturelle, très anglaise. Je voulais travailler avec elle depuis longtemps et Celestial Fire était enfin la bonne occasion. Elle a une très bonne oreille et elle a été géniale en studio, capable de chanter les parties les plus compliquées avec une aisance désarmante.
Yvonne Lyon est une fantastique chanteuse écossaise avec une voix magnifique et d’une grande richesse. Je l’ai rencontré la première fois en 2007 lorsqu’elle chantait sur un album que j’ai co-produit. Peu de temps après, Yvonne et son mari David ont fait les premières parties de Iona.

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C’est Ed Unitsky qui m’a conseillé Julia Malyasova. Il trouvait que sa voix correspondrait bien avec ma musique et il avait tout à fait raison. Julia est russe et elle vit au Danemark. Elle a une voix vraiment unique, pleine d’émotions. Nous avions prévu de faire une vidéo pour Noël dernier avec le single que j’avais tiré de “Innocence Found” mais elle a dû rentrer en Russie pour la version locale de The Voice. Nous n’avons donc pas eu le temps de filmer le clip mais j’espère que cela se fera pour Noël prochain ! Sinon, je t’ai déjà parlé du batteur Collin Leijenaar qui était déjà familier avec la musique de Iona et qui appréciait beaucoup Veil of Gossamer. En fait, il m’avait également contacté il y a quelques années en me demandant de rejoindre la tournée de Neal Morse en 2011 dont il était l’organisateur. Malheureusement, j’avais du décliner l’offre car mon calendrier ne collait pas mais j’ai malgré tout gardé contact avec lui et après coup, j’avais été impressionné par ce que cette série de concerts avait donné. Son jeu était incroyable ! Mais ce n’était pas que cela. C’est une chose tellement géniale d’avoir quelqu’un de vraiment impliqué et d’enthousiaste sur ta musique. Collin a également ajouté un peu de Mellotron sur quelques parties et cela fonctionne parfaitement !

Je connais Randy George depuis longtemps, avant même qu’il ne joue avec Neal Morse. Je l’avais rencontré avec Rick Wakeman aux alentours de 1997 quand ce dernier avait collaboré à un album de Ajalon, le groupe de Randy. Et puis Randy m’a contacté en 2001 pour contribuer à un morceau d’une compilation intitulé CPR1 et nous sommes restés en contact. Il m’a envoyé le second album de Ajalon et j’ai vraiment aimé son jeu de basse. Je me suis souvenu d’une discussion que nous avions eu durant laquelle nous évoquions la possibilité de travailler ensemble. Depuis le début, j’avais donc Randy en tête pour jouer sur Celestial Fire car je connaissais son style et il matchait parfaitement avec Collin dans un genre très prog-rock. Comme Collin, Randy s’est donné à 100% sur cet album !

Et puis il y a d’autres invités comme mes bons copains Frank van Essen, Martin Nolan, Troy Donockley et David Fitzgerald qui font ou ont fait partie de Iona. Il y a également un super violoniste de New York nommé Todd Reynolds et enfin, ma fille Evie qui a 13 ans ainsi que mon épouse Debbie.

Avec qui aimerais-tu travailler à l’avenir ?

Dave Bainbridge : Et bien je vais bientôt travailler avec quelques-uns de mes musiciens préférés et ce, dans très peu de temps ! GB3 (www.gb3guitar.com) est en effet un nouveau projet que je lance avec deux guitaristes fantastiques, Paul Bielatowicz et Dave Brons. Nous allons faire quelques concerts avec Simon Fitzpatrick à la basse et Collin à la batterie. Ces gigs seront composés d’un set par guitariste et d’un set où nous jamerons ensemble. Et puis, j’ai le premier concert avec le Celestial Fire Band confirmé pour le Summer End Festival le 2 octobre. Collin et Dave Brons se joindrons à moi avec Sally Minnear et un bassiste à confirmer. Sinon, je n’ai pas l’ambition particulière de travailler avec un musicien ou un autre, je veux juste pouvoir continuer de faire ce que je fais, créer mes propres projets et faire un nouvel album solo sans attendre aussi longtemps cette fois, avec les mêmes personnes que sur Celestial Fire.

Le reste de l’année sera donc bien occupé. En plus de ce que je t’ai déjà annoncé, je suis actuellement en train de mixer le premier album solo de Dave Brons, très guitare instrumentale avec des choses vraiment superbes. J’ai également été contacté pour écrire la musique d’un projet humanitaire en Israël. Et puis, en plus des concerts avec le GB3 et sur mon travail solo, une tournée de Iona en Allemagne est planifiée ces prochains mois. Je jouerais également aux claviers pour quatre concerts de Adrian Snell en Hollande, basés sur son travail « The Passion ». J’espère faire plus de concerts avec Celestial Fire et bien sûr jouer en France avec ce projet ou un autre. Je sortirai également un album solo au piano l’an prochain. Toute la musique est déjà enregistrée et tu peux avoir des photos faites pour la pochette réalisées par ma fille Evie qui a vraiment beaucoup de talent. Et puis, pour les prochaines infos, tu peux aller sur mon site officiel (www.davebainbridge.com) ou sur ma page Facebook (www.facebook.com/DaveBainbridgeMusic).

Propos recueillis en mars 2015
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