La vie de viking n’est pas une sinécure. En prenant pour point d’encrage le récit initiatique d’un certain Amleth écrit par l’historien Saxo Grammaticus, qui inspirera le fameux Hamlet du non moins fameux William Shakespeare, le script de The Northman s’est construit après que le réalisateur Robert Eggers eut voyagé en Islande et rencontré la chanteuse Björk qui lui présentera par la suite le poète et écrivain Sjón. Peu enclin à accrocher la caravane des mythes nordiques, Poussé (gentiment) par l’acteur Alexander Skarsgård, le réalisateur va alors plancher à un film épique sur fond de trahison et de vengeance. Le réalisateur de The Lighthouse (2019) plonge dès lors dans les classiques de la littérature nordique (l’Edda poétique, les sagas d’Egil, de Grettir et de Eyrbyggja notamment) et se rappelle aux bons souvenirs de Conan le Barbare (John Milius, 1982). La structure du récit est limpide. Le casting suit avec Alexander Skarsgård au centre, évidemment, Nicole Kidman dans le rôle de sa mère – ce qui pouvait a priori sembler saugrenue quand on se souvient qu’elle jouait son épouse dans la série Little Big Lies – mais aussi Anya Taylor-Joy (Le Jeu de la Dame, Split) que le réalisateur avait révélé dans son premier long métrage The Witch (2015), Ethan Hawke, Claes Bang et Björk. Tourné principalement en Irlande du Nord, le film s’inscrit directement dans l’univers de Robert Eggers sans jamais hésiter à prolonger le geste. La combinaison de brutalité, de mysticisme et de spiritualité transpire dans cette vision loin de tout romantisme aseptisé d’une civilisation abandonnée du grand écran. En montrant des personnages dépourvu de remords ou de moralité, guidé par l’instinct de la mort uniquement parce qu’ils ont la possibilité de le faire, sorte d’animalité assumée par des vikings vêtus de peaux de loups et poussant des hurlements guerriers. The Northman contrebalance cette rugosité par une réalisation impeccablement huilée qui offre notamment une scène de pillage portée par un impressionnant plan séquence.
Le soin apporté aux images (avec son chef opérateur attitré Jarin Blaschke que l’on retrouvera sur le prochain Shyamalan) ne prend jamais le pas sur ce qui est raconté. Aussi, l’histoire repose sur un postulat visuel fort, marqué au fer rouge, ce qui pourra rebuter autant que fasciner. En cela, The Northman est un projet totalement hors du cadre qui nous emmène dans un univers tragique et ultra violent qui n’hésite pas à jouer la carte du réalisme historique dans ses décors, ses accessoires en prenant le temps de poser les bases d’une culture qui se déploie au fil de mystiques et rituels stupéfiants. La carte “film populaire” est largement écornée. En filmant le corps lourd de son héros sur le chemin d’une vengeance sauvage et inéluctable, The Northman secoue les habitudes. A la manière d’Apocalypto (Mel Gibson, 2007) qui jouait plus encore la carte de l’immersion, le traitement radical ne s’inscrit dans aucune logique hollywoodienne. Cette ampleur, ce baroque offrent un spectacle qu’il faut pouvoir apprécier sur grand écran avec un travail sur le son (et la musique) qui éblouie tout autant que ses visions inspirées, parfois très référencées (Requiem pour un Massacre, Elem Klimov, 1985) mais toujours habillement employées par un réalisateur qui finira par regretter de nombreux choix après son échec public. Ego trip mal placé ? Eggers a pourtant dû remonter le film sur les injonctions du studio. Et le travestir. Jusqu’à quel point ? Classique; avec un tel budget – entre 60 et 90 millions de dollars – le cinéaste n’a logiquement pas réussi à imposer la globalité de sa vision. La conséquence la plus directe de ces problèmes étant l’abandon (momentané ?) de son projet “Nosferatu“. Quoi qu’il en soit, la générosité de la proposition de cinéma qu’est The Northman, à la fois exigeante esthétiquement et populaire dans son traitement, si rare en ces temps de franchises diluées, mérite pourtant bien mieux que la simple diatribe d’« exercice de style ».
ENGLISH VERSION
The life of viking is no sinecure. Taking as its inking point the initiatory tale of a certain Amleth written by the historian Saxo Grammaticus, which would inspire the famous Hamlet by the no less famous William Shakespeare, the script of The Northman was constructed after director Robert Eggers travelled to Iceland and met the singer Björk, who later introduced him to the poet and writer Sjón. Unwilling to hang up the caravan of Nordic myths, Eggers was gently prodded by actor Alexander Skarsgård to create an epic film about betrayal and revenge. The director of The Lighthouse (2019) then dives into the classics of Nordic literature (the poetic Edda, the sagas of Egil, Grettir and Eyrbyggja in particular) and recalls the good memories of Conan the Barbarian (John Milius, 1982). The structure of the story is clear. The casting follows with Alexander Skarsgård at the centre, of course, Nicole Kidman in the role of his mother – which might seem a priori absurd when one remembers that she played his wife in the series Little Big Lies – but also Anya Taylor-Joy (The Lady’s Game, Split) whom the director had revealed in his first feature film The Witch (2015), Ethan Hawke, Claes Bang and Björk. Shot mainly in Northern Ireland, the film is directly in line with Robert Eggers’ universe without ever hesitating to extend the gesture. The combination of brutality, mysticism and spirituality shines through in this far from sanitised vision of a civilisation abandoned by the silver screen. By showing characters devoid of remorse or morality, guided by the instinct to die only because they have the opportunity to do so, a kind of animality assumed by Vikings dressed in wolf skins and uttering warlike howls. The Northman counterbalances this roughness with an impeccably oiled direction that offers notably a looting scene carried by an impressive sequence shot. The care taken with the frames (with his regular cinematographer Jarin Blaschke, who will be working on the next Shyamalan film) never takes precedence over what is being told. Also, the story is based on a strong visual premise, which can be as disconcerting as it is fascinating. In this respect, The Northman is a totally off-the-wall project that takes us into a tragic and ultra-violent universe that does not hesitate to play the historical realism card in its settings and props, taking the time to lay the foundations of a culture that unfolds through mystics and amazing rituals. The “popular film” card is largely flayed. By filming the heavy body of its hero on the way to a savage and inescapable revenge, The Northman shakes things up. Like Apocalypto (Mel Gibson, 2007), which played the immersion card even more, the radical treatment does not fit into any Hollywood logic. This scale and baroque offer a spectacle that must be appreciated on the big screen, with a work on sound that dazzles as much as its inspired visions, sometimes very referential (Requiem for a Massacre, Elem Klimov, 1985) but always skilfully employed by a director who will end up regretting many choices after his public failure. Misplaced ego trip? Eggers had to remake the film at the behest of the studio. And disguise it. To what extent? With such a budget – between 60 and 90 million dollars – the filmmaker logically did not succeed in imposing the totality of his vision. The most direct consequence of these problems was the (temporary?) abandonment of his “Nosferatu” project. In any case, the generosity of The Northman’s cinematic proposition, both aesthetically demanding and popular in its treatment, so rare in these times of diluted franchises, deserves much better than the simple diatribe of “exercise in style”. Translated with www.DeepL.com/Translator (free version).
Titre : The Northman
Réalisé par : Roger Eggers
Avec : Alexander Skarsgård, Nicole Kidman, Claes Bang, Anya Taylor-Joy, Ethan Hawke, Björk, Willem Dafoeh…
Année de sortie : 2022
Durée : 137 minutes
Scénario : Sjón, Robert Eggers
Montage: Louise Ford
Image : Jarin Blaschke
Musique : Robin Carolan, Sebastian Gainsborough
Nationalité : États-Unis
Genre : Drame, Aventures
Synopsis : Le jeune prince Amleth vient tout juste de devenir un homme quand son père est brutalement assassiné par son oncle qui s’empare alors de la mère du garçon. Amleth fuit son royaume insulaire en barque, en jurant de se venger. Deux décennies plus tard, Amleth est devenu un berserkr, un guerrier viking capable d’entrer dans une fureur bestiale, qui pille et met à feu, avec ses frères berserkir, des villages slaves jusqu’à ce qu’une devineresse lui rappelle son vœu de venger son père, de secourir sa mère et de tuer son oncle. Il embarque alors sur un bateau pour l’Islande et entre, avec l’aide d’Olga, une jeune Slave prise comme esclave, dans la ferme de son oncle, en se faisant lui aussi passer pour un esclave, avec l’intention d’y perpétrer sa vengeance...
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