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Matrix Resurrections
1.5Note Finale

Allons bon ! On pensait en avoir terminé avec Néo, Morpheus, Zion et toute la trinité (et oui) mais si les temps sont durs, ils n’en restent pas moins surprenants et le cinéma n’échappe pas à la règle avec l’un des films les plus attendus de cette fin d’année, voire, carrément, de l’année 2021. Il sonne comme un ricochet : Matrix Resurrections (notez le pluriel). De quoi éveiller les pupilles érectiles de tous les geeks quarantenaires en plus de quelques autres tout aussi paumés dans la course. Pour faire court, tous les exégètes d’exégèses de synthèse, les amateurs de « voyage du héros » façon Joseph Campbell balisé aux références mystico-capillotractées à grands coups de Baudrillard, de Nietsche et, puisqu’on y trouvera de quoi faire frissonner les amateurs de turpitudes post-adolescentes, de religiosité tintée de cyberpunk et de syncrétisme gnostique, le tout nappé d’un chapelet sans grande finesse de métaphore politique. Il faut le préciser : mézigue n’a jamais été un grand amateur de ce grand huit de la philosophie pour les nuls avec, dans le rétroviseurs, quelques incontournables tels que Phillip K. Dick pour ne citer que lui. Film d’action autoréflexif bourré de signaux faibles sur le champ des possibles et des impossibles, Matrix déboulait en 1999 et balayait le monde du virtuel dans son grand bordel informationnel pour mieux synchroniser les angoisses d’un nouveau millénaire sur le seuil. Ajoutez-y le « bullet time » comme nouvel idiome des futurs actionners, avec l’étiquette d’être aussi révolutionnaire que le mouvement décomposé de Muybridge et les plus illuminés auront eu de quoi gloser pendant des lustres sur la signification forcément bien cachée de tout ce son et lumière. Triomphe. Nouvelle borne. Nouvelle donne. Mais c’est à chaque fois la même histoire. Après avoir convoqué les grands inventeurs du cinéma pour y placer derechef auprès d’eux les Wachowski comme nouveaux parangons incontournables de la chose, il fallait brûler les idoles. Pas besoin d’allumettes, le kit allait être fourni. Matrix Reloaded (2003) et plus encore Matrix Revolution (2004) aidèrent copieusement à déconstruire le mythe à peine construit. Evidemment, les fans les plus ultras virent dans ce revirement la preuve que si l’approche cryptique à la fois formelle et réflexive de la trilogie ne brossait pas le public dans le sens du poil, c’était bien à cause de la très haute intelligence d’un propos qui ne saurait être acquis qu’aux initiés. Génies incomprises, les Wachowski et leur cour pouvaient dès-lors maudire un public majoritairement conditionné qui, à force de bouffer du pop-corn devant des sous-produits mercantiles, serait désormais sous influence, incapable de différencier une œuvre unique du tout venant, ce qui tendrait à confirmer la thèse sous-jacente du film. Bingo !

Forcément la suite des choses n’allait pas recoller les morceaux. De l’affreux Speed Racer (2008) au grand guignol Jupiter Ascending (2015), il faudra tout le talent de Tom Tykwer pour faire de Cloud Atlas (2012) leur grand film lui aussi déglingué par la critique et le public. Spirale. Et puis Larry est devenu Lana et Andrew est devenu Lily. La série Sense 8 est passée par là, le décès de leurs parents également. Et si l’idée flottait depuis quelques années, faute de munition, Lana Wachowski se lance fatalement dans le défi de « ressusciter » Matrix, dernier bastion d’une carrière qui tient dorénavant à peu de choses. Vue la fin de la trilogie, les affaires s’annoncent compliquées. Mais quitte à tourner en rond, la cinquantenaire convoque le passé, l’invoque, se gave de citations, plonge dans une forme et un fond totalement méta tourneboulés, qui semble s’avaler eux-mêmes. En multipliant les répétitions, les relectures, les redites, les symboliques éculées, Matrix Resurrections implose le concept, les conventions et convulse son rapport à l’industrie dans un aveux d’échec rigolard, avec beaucoup d’amour dedans. Quand même. C’est important l’amour. Et la résilience, terme déployé par tout un chacun comme un drapeau blanc de la banalisation. Tout cela nous est servie tiède. La vraie-fausse rébellion de la première trilogie se transmigre en véritable soumission. Soumission au studio, soumission au système, soumission au public. Dans une geste à la fois désespérément honnête et d’un cynisme absolu, Lana Wachowski rabiboche Thomas Anderson/Néo (Keanu Reeves abasourdi entre deux John Wick) et Tiffany/Trinity (Carrie-Ann Moss qui s’accroche au rôle de sa carrière), éjecte Lawrence Fishburne et Hugo Weaving remplacés par Yahya Abdul-Mateen II et Jonathan Groff, tente quelques trucs avec le personnage de l’analyste (Neil Patrick Harris) mais sans jamais y croire.

Hara-Kiri. Dès lors, le film balance quelques 200 millions de dollars de budget par les fenêtres explosées de ses cascades un peu rances, que la réalisatrice ne parvient jamais à transformer en quelque chose de neuf. Tout est moelleux. Sympathique. Rien ne dépasse vraiment. Entre deux eaux. Entre deux mondes. Effet d’optique d’un premier plan qui convoque déjà tout chez une réalisatrice qui bourre chaque séquence d’un référentiel plus ou moins crypté. Pour aller où ? Dès lors, lancée comme une balle perdue, cette incontinence visuelle et conceptuelle crache littéralement au visage de tous les contemplatifs, de tous ses adorateurs, en exposant la vacuité de son hi-concept fourre-tout sur la grande question existentielle “sommes nous des algorithmes capables d’échapper à notre programmation dans un monde où le capitalisme enterre toute idée de réalité” ? Libre arbitre versus destinée. Encore. Lana se projette tant dans le personnage de Néo, et dans le discours du film que l’on pourra trouver dans la première rencontre entre notre héros et le nouveau Morpheus qui sort d’un chiotte de quoi méditer modestement sur la portée philosophique de tout ce tintamarre. Un dernier acte totalement bâclé et un “catrix” en guise de dernière injure. Les nostalgiques pourront toujours se raccrocher aux souvenirs de ce qu’ils vécurent comme des voyages incroyablement profonds et nimbés de sens vertigineux, libre à eux, afin de ne pas se laisser persuader que tout cela n’était finalement qu’une illusion de plus. D’autres y verront l’aveu d’une artiste qui ne sait vraisemblablement plus où aller après avoir dégringolé si vite de la montagne sacrée. ce sabordage en règle ouvrira ou non les yeux sur le numéro de prestidigitation de la trilogie originale mais son jusqu’au boutisme nihiliste qui n’aura probablement pas les suites qu’il appelait mérite notre respect.

ENGLISH VERSION

Let’s go ! We thought we were done with Neo, Morpheus, Zion and the whole trinity (and yes) but if times are hard, they are no less surprising and the cinema is no exception to the rule with one of the most awaited films of this end of the year, or even of the year 2021. It sounds like a ricochet: Matrix Resurrections (note the plural). Enough to awaken the erectile pupils of all the forty-year-old geeks in addition to a few others who are just as lost in the race. To make a long story short, all the exegetes of synthetic exegesis, the amateurs of the “hero’s journey” in the Joseph Campbell way, marked out with mystico-capillotracted references with great blows of Baudrillard, Nietsche and, since one will find there what will make shiver the amateurs of post-adolescent turpitudes, of religiosity tinged with cyberpunk and gnostic syncretism, the whole topped with a string of political metaphor without great finesse. It must be said that Mezigue has never been a great fan of this roller coaster of philosophy for dummies, with, in the rear-view mirror, some unavoidable works such as Phillip K. Dick, to name but one. A self-reflexive action movie full of weak signals on the field of the possible and the impossible, Matrix arrived in 1999 and swept the virtual world in its great informational mess to better synchronize the anxieties of a new millennium on the threshold. Add “bullet time” as a new idiom for future actioners, with the label of being as revolutionary as Muybridge’s decomposed movement, and the most enlightened will have had something to talk about for ages on the necessarily well hidden meaning of all this sound and light. Triumph. New milestone. New deal. But it’s always the same story. After having summoned the great inventors of cinema to place the Wachowskis next to them as the new paragons of the thing, it was necessary to burn the idols. No need for matches, the kit was provided. Matrix Reloaded (2003) and even more so Matrix Revolution (2004) helped to deconstruct the myth that had just been built. Of course, the most extreme fans saw in this reversal the proof that if the cryptic approach of the trilogy, both formal and reflexive, did not appeal to the public, it was because of the very high intelligence of a subject that could only be acquired by the initiated. Misunderstood geniuses, the Wachowskis and their court could then curse a mostly conditioned public that, by dint of eating popcorn in front of mercantile by-products, would now be under the influence, unable to differentiate a unique work from the rest, which would tend to confirm the underlying thesis of the film. Bingo!

Of course, what followed was not going to put the pieces back together. From the dreadful Speed Racer (2008) to the grand guignol Jupiter Ascending (2015), it will take all the talent of Tom Tykwer to make Cloud Atlas (2012) their great film, which was also derided by the critics and the public. Spiral. And then Larry became Lana and Andrew became Lily. The series Sense 8 came along, as did the death of their parents. And if the idea had been floating around for a few years, due to a lack of ammunition, Lana Wachowski inevitably took on the challenge of “resurrecting” The Matrix, the last bastion of a career that was now hanging on by a thread. Considering the end of the trilogy, the business looks complicated. But even if it means going in circles, the fifty-year-old summons the past, invokes it, fills herself with quotations, dives into a totally meta-turned form and content, which seems to swallow itself. By multiplying the repetitions, the rereadings, the repetitions, the hackneyed symbolism, Matrix Resurrections implodes the concept, the conventions and convulses its relationship to the industry in a funny admission of failure, with a lot of love inside. Still. Love is important. And resilience, a term deployed by everyone like a white flag of trivialization. All this is served to us lukewarm. The true-false rebellion of the first trilogy is transmuted into true submission. Submission to the studio, submission to the system, submission to the public. In a gesture that is both desperately honest and absolutely cynical, Lana Wachowski brings Thomas Anderson/Neo (Keanu Reeves, stunned between two John Wicks) and Tiffany/Trinity (Carrie-Ann Moss, who clings to the role of her career) back together, ejects Lawrence Fishburne and Hugo Weaving and replaces them with Yahya Abdul-Mateen II and Jonathan Groff, and tries a few tricks with the character of the analyst (Neil Patrick Harris), but doesn’t really believe it.

Hara-Kiri. From then on, the film throws some 200 million dollars of budget out of the exploded windows of its somewhat rancid stunts, which the director never manages to transform into something new as announced and even promised in the simulacrum of marketing meetings of a first third that stretches quietly. Everything is fluffy. Sympathetic. Nothing really stands out. Between two waters. Between two worlds. Optical effect of a first shot that already summons everything from a director who fills each sequence with a more or less cryptic referential. To go where? From then on, thrown like a lost ball, this visual and conceptual incontinence literally spits in the face of all the contemplatives, of all its worshippers, by exposing the vacuity of its catch-all hi-concept on the great existential question “are we algorithms capable of escaping from our programming in a world where capitalism buries any idea of reality”? Free will versus destiny. Again. Lana projects herself so much in the character of Neo, and in the discourse of the film that we can find in the first meeting between our hero and the new Morpheus who comes out of a toilet something to meditate modestly on the philosophical scope of all this din. The last act is totally botched and a “catrix” is the last insult. Nostalgic people will always be able to hold on to the memories of what they experienced as incredibly deep journeys, full of dizzying meanings, free to them, in order not to be persuaded that all this was just another illusion. Others will see in it the confession of an artist who probably doesn’t know where to go anymore after having tumbled so quickly from the sacred mountain. This scuttling will open or not the eyes on the prestidigitation act of the original trilogy but its nihilistic up to the end which will probably not have the consequences it called for deserves our respect.

Matrix Resurrections (2021)

Titre : Matrix Resurrections

Réalisé par : Lana Wachowski
Avec : Keanu Reeves, Carrie-Anne Moss, Yahya Abdul-Mateen II, Jonathan Groff, Jessica Henwick…

Année de sortie : 2021
Durée : 148 minutes

Scénario : Lana Wachowski, Aleksandar Hemon, David Mitchell
Montage: Joseph Jett Sally
Image : John Toll
Musique : Johnny Klimek, Tom Tykwer

Nationalité : États-Unis
Genre : S.F. / Action / Philo pour les nuls

Synopsis : Matrix Resurrections nous replonge dans deux réalités parallèles – celle de notre quotidien et celle du monde qui s’y dissimule. Pour savoir avec certitude si sa réalité propre est une construction physique ou mentale, et pour véritablement se connaître lui-même, M. Anderson devra de nouveau suivre le lapin blanc. Et si Thomas… Neo… a bien appris quelque chose, c’est qu’une telle décision, quoique illusoire, est la seule manière de s’extraire de la Matrice – ou d’y entrer… Bien entendu, Neo sait déjà ce qui lui reste à faire. Ce qu’il ignore en revanche, c’est que la Matrice est plus puissante, plus sécurisée et plus redoutable que jamais. Comme un air de déjà vu…

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