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C’est avec une joie incommensurable que nous avons assisté en 2023 au retour au premier plan de l’actualité musicale de Pendragon, ce groupe anglais formé par Nick Barrett en 1978 qui nous a procuré tant d’émotions indicibles au travers d’albums absolument remarquables. Au programme de ce retour, des concerts exceptionnels dans le cadre des “VIP weekends” et un extraordinaire mini-album North Star qui prolonge indéniablement la beauté abyssale de Love over Fear et nous rappelle la prééminence de Pendragon dans cette scène rock néo-progressive que nous affectionnons tant. Merci beaucoup à Rachel Barrett d’avoir facilité cette interview.

Bonjour Nick. Tout d’abord, un petit mot pour te dire que je suis un fan de longue date de Pendragon. J’ai d’ailleurs découvert le groupe non pas en écoutant un album mais directement sur la scène du légendaire Marquee club londonien. Je crois que c’était en 92 pour la tournée The World, avec Jadis en première partie. Merci beaucoup pour ta disponibilité aujourd’hui dans le contexte d’une actualité que je présume assez chargée… 

NICK BARRETT : Nous sommes effectivement sur plusieurs fronts en même temps. Et notamment très occupés en ce moment à l’envoi des CDs de North Star. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, lorsque tu rentres d’une tournée, tu ne t’allonges pas dans ton sofa … D’ailleurs, concrètement, là, c’est un peu le chaos, entre les piles de t-shirts, de CDs et de vinyles… Et on a encore pas mal de t-shirts qui sont toujours dans les cartons et qui viennent tous d’arriver chez moi. Je peux facilement me retrouver avec des centaines de cartons…. Et il y aussi tout l’équipement musical qui transite par chez moi et que je dois ensuite ré-acheminer vers chacun.  Mon propre équipement est là aussi dans la pièce. Et comme j’ai toujours envie de jouer de la guitare et que je n’ai juste pas la patience d’attendre que tout soit rangé, je finis par sortir une guitare de son étui, j’en prends une autre et ainsi de suite… Et voilà comment j’ajoute du chaos au chaos (Ndlr : rires) !

En tout cas je suis très heureux d’échanger avec toi. Primo parce que l’écoute de North Star  nous a fait forte impression. Secundo parce que j’ai eu le bonheur d’assister au phénoménal VIP weekend en Hollande en Mai dernier. Qu’est-ce que ça vous a fait d’être de retour sur scène après une absence d’environ trois ans ?

NICK BARRETT : Incroyable !  Absolument extraordinaire ! Tu sais, ces 3 années représentent le plus long intervalle que nous n’ayons jamais eu de toute notre carrière ! Mon tout premier concert avec Pendragon c’était en 1978. Je m’en souviens comme si c’était hier, j’étais sorti de scène sur un nuage car la réaction du public avait été fabuleuse. Et c’est toujours le cas 45 ans plus tard. Pour nous, qui avons été tenus éloignés de la scène pendant 3 ans, ce premier concert c’était presque de nouveau comme une première fois. L’excitation était à son comble de notre côté. Et nous avons adoré chaque seconde des VIP weekends. On avait hâte de présenter ce spectacle avec ces nouvelles choristes, un très bon light show, la présence de Rog Patterson à la douze-cordes (Ndlr : en première partie et participant également au set de Pendragon), des discussions avec le public (Ndlr : la session Q&A) et aussi le set acoustique. Franchement, l’ambiance était fantastique entre le groupe et le public. C’était tout simplement magique.

C’est vrai que le format de ces VIP weekends était particulièrement propice à de telles retrouvailles avec le public. Ca vous a donné envie de recommencer et de réitérer cette formule ? 

NICK BARRETT : Très clairement, oui. Nous envisageons d’ailleurs de faire quelque chose l’année prochaine. Je ne peux pas encore en dire trop pour l’heure mais c’est dans les cartons. Mais plus que tout, ce que nous aimons faire, c’est monter à bord d’un bus pour partir pour une longue tournée et jouer partout où c’est possible. Tu sais, quand tu attaques une tournée, c’est quelque chose d’assez incroyable. Surtout lorsque après quelques concerts et ajustements, tu te rends compte que le groupe commence à vraiment être au top; ça c’est une sensation incomparable et indescriptible. Et sinon, il n’y a rien de mieux que de rouler à travers les Alpes à trois heures du matin, après un excellent concert, en refaisant le monde avec un verre de ton whisky favori. Et c’est encore plus exceptionnel de vivre ça avec des gens comme Pete, Clive et Vinnie que tu connais depuis tant d’années.

Pendragon

« Franchement, l’ambiance lors des VIP weekends était fantastique entre le groupe et le public. C’était tout simplement magique. » – Nick Barrett

Donc tout de même une préférence pour les tournées…

NICK BARRETT : Les VIP week-ends ont leurs avantages. La dimension interactive est amplifiée; nous avons l’opportunité de rencontrer le public sur un weekend complet, de signer des albums, de prendre des photos ensemble. Il n’y a pas cette urgence de remonter aussitôt dans le bus et de voyager toute la nuit jusqu’au prochain lieu de concert. Donc nous pouvons vraiment passer plus de temps avec les gens. Je suis même allé au pub à côté de la salle de concert lors du VIP weekend anglais. Je me suis assis et j’ai discuté avec tout le monde. De ce point de vue, les week-ends sont une très bonne chose. Absolument génial tout autant musicalement qu’humainement. Mais côté logistique c’est un peu un cauchemar car tu déplaces presque une quinzaine de personnes, entre l’équipe et le groupe. Et tu as à gérer les problèmes usuels entre les aéroports et les vols. Tel vol est retardé, tel autre est annulé etc…. C’est la réalité avec laquelle nous avons dû composer pendant ces week-ends. En comparaison, quand tu montes à bord d’un bus pour partir en tournée, c’est beaucoup plus simple; tout le monde se retrouve ensemble et tu peux te laisser aller…

Parlons maintenant de North Star. Quelles sont les réactions jusqu’à présent? Comment l’EP a-t-il été accueilli ?

NICK BARRETT : Extrêmement bien. Nous avons d’excellents retours. Beaucoup de gens l’adorent. Mais tu sais, il faut donner du temps au temps avec un nouvel album. Ce que je veux dire c’est qu’il faut que le public ait suffisamment le temps de s’imprégner de l’album. Je me méfie toujours des réactions immédiates quand tu viens tout juste de sortir un album et ce, même si elles sont élogieuses. Je suis plus sensible à un enthousiasme manifesté quelques semaines après la sortie car cela me laisse à penser que les gens ont vraiment pris le temps d’écouter l’album dans ses moindres détails et ont pris le recul nécessaire. Mais pour revenir à ta question, les réactions ont été fantastiques jusqu’à présent. Evidemment c’est encore un peu tôt pour jauger du succès du disque (Ndlr : l’EP était disponible à la vente lors des VIP weekends mais n’a été mis en vente officiellement que plus tard). Et puis il y a aussi le fait que ce soit un mini album (Ndlr : 2 titres, 24 minutes) . Cela joue forcément car un album studio a beaucoup plus d’impact. En comparaison, un album est une vraie déclaration d’intention et en dit beaucoup plus qu’un EP. Ceci dit, je suis bien sûr très fier de North Star. C’est un disque plus concis qui offre une autre perspective, à apprécier certes d’une manière légèrement différente d’un album mais qui plaira, j’en suis convaincu.

Et pourquoi ce choix d’un EP plutôt que d’un album,  presque trois ans après Love over Fear ?

NICK BARRETT :  Eh bien, pour être transparent, nous n’avions tout simplement pas assez de matériel pour proposer un LP. Ecrire de la musique, comme tu le sais, c’est d’abord une histoire de ressenti. Concrètement je ne visualisais pas un concept suffisamment substantiel pour écrire un album complet. Contrairement par exemple à Love over Fear. Là, je pouvais vraiment voir le concept, à l’image de la pochette avec tous les animaux marins et ce cœur au milieu. Et je pouvais précisément percevoir de quelle manière tout allait s’assembler, comment tel titre allait pouvoir compléter tel autre, quelle logique allait présider aux enchaînements, etc.. Et crois-moi, tout cela a pris du temps. Parfois les fans pensent que, comme tu as mis 3 ans à sortir un album, tu vas mettre automatiquement 3 ans à sortir le prochain. Il y a parfois une propension à ne voir en nous que 4 musiciens dédiés à leur art. Mais c’est oublier, ce faisant, qu’il y a des choses dans la vie qui prennent hélas de temps à autre le dessus. Comme tout un chacun, les artistes ont leur propre quotidien qui peut finir par prendre le pas sur la musique. Les artistes doivent faire face à leurs propres problèmes : ils peuvent avoir à jongler avec des problématiques d’ordre financier, ils peuvent avoir perdu un proche, ils peuvent avoir vécu une période extrêmement délicate pendant la pandémie, ils peuvent avoir eu des problèmes de santé, être en dépression depuis des années, etc…. Nous avons tous ces périodes dans la vie où nous devons faire face à des défis très importants. Les gens oublient parfois cette réalité-là et se demandent juste: « Tiens, pourquoi vous n’avez pas encore sorti  un nouvel album? » A titre personnel, la période Covid n’a vraiment pas été de tout repos. J’ai fait beaucoup de travaux de rénovation dans ma maison et de construction autour de celle-ci. Mon fils est resté ici avec nous pendant près de deux ans parce qu’il traversait une période difficile de sa vie. Il avait besoin de savoir quelle direction prendre. Tu te doutes que nous avons passé beaucoup de temps ensemble. J’ai aussi écrit la moitié d’un livre. Toutes ces choses prennent le pas sur ton art et te mobilisent fortement. Donc je ne peux pas dire que j’ai vraiment eu beaucoup de temps pour me plonger dans l’écriture de nouveaux titres, en dehors des compos qui forment North Star, que j’avais déjà ébauchées, que j’ai retravaillées et que je voulais vraiment sortir.

Nick Barrett

« Le concept de North Star est celui de l’étoile polaire qui a guidé les gens pendant des milliers et des milliers d’années. Après les trois dernières années que nous venions de vivre j’ai pensé que nous pourrions nous en inspirer pour illustrer le principe selon lequel l’espérance doit prévaloir. » – Nick Barrett

Merci Nick de cette réponse honnête qui évitera à chacun de se perdre en conjectures. Pour revenir à cet EP j’ai le sentiment que North Star partage avec Love over Fear une dimension très positive. C’est un disque qui célèbre la vie et se veut résolument porteur d’espoir. Peux-tu nous en dire un peu plus sur les thèmes développés dans North Star et sur ce qui les a inspirés ?

NICK BARRETT :  Le concept est assez simple, c’est celui de l’étoile polaire qui a guidé les gens pendant des milliers et des milliers d’années (Ndlr : pas seulement les grands navigateurs puisque l’étoile polaire, considérée comme un pôle céleste, a souvent eu une place importante dans la mythologie de civilisations anciennes, chez les Mayas par exemple). Je me suis dit qu’après les trois dernières années que nous venons de vivre nous pourrions nous inspirer de cette idée pour écrire quelque chose de positif, illustrant le principe selon lequel l’espérance doit prévaloir. Et sans pour autant mentionner expressément le mot Covid, car je crois que tout le monde en a marre d’entendre parler de Covid ! Et effectivement, comme tu l’as remarqué, il y a une continuité entre Love over Fear et North Star. Nous avons vraiment eu la volonté avec cet EP de proposer une musique édifiante, positive, privilégiant la beauté avec de belles mélodies et permettant ainsi, je l’espère, d’éloigner les gens de leurs problèmes et de leurs pensées quotidiennes. C’est ainsi que l’idée de l’étoile polaire s’est imposée. Une idée simple mais qui nous paraissait appropriée. Et ça a constitué la base de départ de l’écriture.

Il y a trois sections distinctes dans le titre “North Star”, la première plus intime, la troisième plus symphonique et puis, au milieu, il y a “Dead as a Dodo”, dont le titre est une expression typiquement anglaise qui m’interpelle particulièrement. Que voulais-tu illustrer avec celle-ci ?

NICK BARRETT :  C’est finalement assez simple parce qu’il n’y a que deux lignes de texte (Ndlr : rires). Le thème est la complaisance dont font parfois preuve certaines personnes. Cette complaisance qui t’aveugle et fait que tu ne vois pas la réalité des choses. Tu crois que tout va bien et tu te complais dans cette idée alors que le précipice n’est pas loin. Cette expression “Dead as a dodo” l’illustre parfaitement, avec une ironie propre à l’humour anglais. Cette idée m’est venue en lisant un livre  de Gerry Garrod, un explorateur anglais qui a parcouru l’Antarctique (Ndlr : explorateur polaire du 20ème siècle qui a notamment participé à l’expédition Terra Nova entre 1910 et 1913). Il a mentionné dans ce livre que la race humaine vivait dans l’illusion de se débrouiller à merveille et que tout allait bien. Tout comme le dodo ! Et bien évidemment le dodo a disparu de la surface de la terre et fait aujourd’hui partie des espèces éteintes (Ndlr : le dodo est une espèce d’oiseaux, endémique de l’île Maurice, disparue depuis la fin du XVIIème siècle. Les Anglais ont tiré de son extinction l’expression “Dead as a Dodo”, c’est-à-dire “Aussi mort qu’un dodo” ou “Tout à fait mort“). Donc, c’est juste un texte ironique et humoristique. Mais c’est aussi, musicalement, un morceau assez expérimental. J’ai souhaité associer à ces paroles des arpèges de guitare de type country. Ce qui est assez nouveau ou, en tout cas, différent de ce que fait usuellement Pendragon, avec un certain contraste car tu as ce côté guitare country légèrement humoristique et très rock en même temps. Tu sais, parfois tu associes des choses assez différentes ensemble sans vraiment présumer de ce que tu vas obtenir. C’est un peu comme jouer ton joker ; il y a un caractère incertain et imprévisible. C’est l’inconnu. Je trouve ça intéressant d’assembler des idées un peu dingues pour voir ce que ça va donner. Et ça résume bien la partie “Dead as a Dodo” !

« John Barnfield est une des rares personnes avec lesquelles je peux réellement co-écrire de la musique. » – Nick Barrett

La composition North Star propose trois sections aux styles et tempos vraiment différents. On a presque l’impression d’une volonté de couvrir ou représenter une large partie du répertoire de Pendragon avec ce titre.

NICK BARRETT : Oui, c’est vrai. Je ne voulais pas particulièrement que l’on perçoive un enchaînement naturel entre les 3 parties de la composition. Ceci dit, il y a des thèmes qui se répètent. J’aime beaucoup cette idée de rupture entre les morceaux. Si tu prends un titre comme “Supper’s Ready”, qui est l’une de mes chansons préférées de Genesis, c’est globalement environ 6 chansons, ou à peu près, réunies en une. Tu as “Willow Farm”, par exemple, qui est complètement loufoque, comique et décalée avec un humour incroyable, grâce aux textes de Peter Gabriel. “Dead as a Dodo” est dans cet esprit pour moi. Je reconnais que ce n’est peut-être pas ce à quoi les gens peuvent s’attendre. Mais il faut toujours quelque chose qui présente un challenge particulier dans un disque pour te stimuler. Chacune des trois parties de “North Star” possède d’ailleurs ses propres difficultés. Elles sont toutes dans un style de guitare que je n’avais pas forcément abordé auparavant. Et ça confère très certainement une touche très différente aux chansons.

Merci de cette explication. Sur la section “Phoenician Skies” de “North Star” on note la présence de John Barnfield. Peux-tu stp nous en dire un peu plus au sujet de cette collaboration pour le moins surprenante ?

NICK BARRETT : Eh bien, c’est effectivement une histoire assez intéressante. Barney est notre ancien claviériste. Il n’a jamais enregistré d’album avec nous mais il a enregistré le Friday Rock Show en 1983 (Ndlr : émission incontournable de la BBC). Et quand il a quitté le groupe, je ne l’ai plus recroisé pendant un bon moment.  Je l’ai en fait revu 12 ans plus tard car nous étions tout de même restés en contact. Je devais lui parler de droits d’auteur et, en discutant, nous nous sommes aperçus que nous étions tous deux férus de surf. Nous nous sommes rapprochés et sommes redevenus de très bons amis. Et il se trouve que Barney est une des rares personnes avec lesquelles je peux réellement co-écrire de la musique. A vrai dire, je ne suis pas très doué pour écrire de la musique avec d’autres personnes. J’ai plutôt tendance à préférer écrire tout seul.

Tu t’en es d’ailleurs expliqué lors du Q&A du VIP weekend hollandais…

NICK BARRETT : Oui. Et ça vaut pour toutes les mélodies, tous les arrangements, toutes les paroles et la globalité des sonorités en gros. Je préfère travailler comme ça. Je ne suis pas très doué pour l’écriture en mode collectif parce que je trouve ça trop stressant. Tiens, en guise d’analogie, c’est un peu comme lorsque tu peins un tableau; tu as passé des semaines, des jours et des mois à travailler ce tableau, tu le souhaites d’une certaine manière et tu as une vision de ce à quoi il doit ressembler au final. Et co-écrire c’est comme si quelqu’un arrivait avec un pinceau jaune et mettait un énorme coup de peinture sur le tableau. Aaaarg, qu’est-ce que tu viens de faire ! (Ndlr : rires). Je sais que je risque de passer pour quelqu’un de prétentieux mais quand tu t’investis autant dans un album pour qu’il soit parfait, ou du moins pour qu’il corresponde à ta vision initiale, tu n’as vraiment pas envie que quelqu’un débarque et emmène ton travail vers un horizon diamétralement opposé. Tu sais, parfois, je peux passer une semaine sur un son de clavier. Je le modifie tant et plus. Au final, je me dis que ce n’est pas ça, j’abandonne l’idée et je recommence, etc… Donc quand je suis au bout du bout, enfin satisfait de ce que j’ai obtenu, je ne veux pas de ce coup de pinceau jaune ! Bon, co-écrire ça fonctionne très bien pour certains artistes et je pense par exemple à Lennon et McCartney, à Jagger et Richards, aux membres de Genesis etc… Mais définitivement pas en ce qui me concerne !  Et pourtant il y a quand même quelques personnes avec lesquelles j’y parviens. Et Barney en fait partie.

A quoi cela tient-il ?

NICK BARRETT : Barney est capable d’écrire d’excellentes mélodies et de très bons airs, notamment de très belles  structures  d’accords harmoniques. Généralement il trouve une partie de claviers et me dit «Voilà, j’ai écrit ça mais je ne sais pas quelle suite lui donner ». J’écoute et je lui dit qu’il pourrait tenter d’en faire ça, d’apporter telle modification ici, d’ajouter ceci vocalement pour obtenir cela, etc… Et c’est toujours avec beaucoup d’enthousiasme qu’il me dit « Ok, allons-y ! ». Donc pour résumer, Barney arrive avec cette multitude d’idées mélodiques géniales et mon rôle est de tenter de trouver ce que nous pouvons en faire et comment les développer. Cela fonctionne comme ça entre nous. Il accepte ce que je fais et j’accepte ce qu’il fait, et ça marche très bien. Et sur cette base, nous avions prévu de faire un album ensemble. Depuis qu’il a quitté Pendragon, il a mis de côté des tonnes et des tonnes d’excellentes idées musicales, toutes aussi mélodiques les unes que les autres. J’ai commencé par lui faire parvenir un morceau, la partie de guitare à douze cordes de “Phoenician Skies” qui était initialement destinée à cet album que nous devions écrire ensemble. Il l’a écoutée et a ajouté des claviers, des sonorités Fender Rhodes, des cloches et plein d’autres choses. Le résultat était au-delà de toute espérance ! Et entre temps, les choses se sont faites plus pressantes côté Pendragon. Il y avait une nécessité impérieuse d’avancer sur un nouvel album. Bref, je suis revenu vers Barney pour lui demander l’autorisation d’utiliser “Phoenician Skies” pour Pendragon. Il a tout de suite accepté. Et nous avons aussi convenu que ça n’aurait aucun sens de remplacer les parties de claviers qu’il avait déjà enregistrées. D’autant plus que je les trouvais excellentes. Donc en échange de droits sur l’EP, nous avons agréé que cette chanson devienne un titre de Pendragon. Bien évidemment ça nous fait un titre de moins pour notre album commun. Et comme c’était l’une des seules compositions sur laquelle nous avions réellement travaillé, on va avoir pas mal de boulot (Ndlr : rires).  Donc voilà, pour résumer, Pendragon a pris le dessus. Sans doute parce que je ne compose pas assez vite…

Donc l’idée de cet album avec Barney n’est pas abandonnée ?

NICK BARRETT : Non, non, bien au contraire. Nous y reviendrons à un moment donné. Mais pour l’instant je ne sais pas encore quand. Ce n’est pas forcément simple car nous ne nous voyons pas si souvent que ça. Et là, comme tu le sais, nous venons tout juste de terminer cette série de VIP weekends avec Pendragon. Du coup, j’ai vraiment envie de travailler en priorité à un nouvel album de Pendragon, même si je n’ai rien encore de vraiment concret ou définitif à ce stade, juste quelques idées çà et là.

Tu as évoqué Barney avec lequel tu étais resté en contact. Il y a bien sûr également Pete et Clive qui t’accompagnent depuis tant d’années.  Et il y a aussi Karl Groom qui est ton partenaire historique côté production. Qu’est-ce que tu apprécies particulièrement dans le travail de Karl et qui fait que vous n’avez jamais cessé de bosser ensemble depuis l’album The World ?

NICK BARRETT : Avant de connaître Karl, mes expériences en studio étaient souvent frustrantes. Nous bossions très dur, Pete enregistrait ses parties de basse la nuit, moi je m’occupais du chant et des guitares dans la journée. Pour autant, je sortais toujours du studio avec ce sentiment prégnant que nous n’avions jamais eu assez de temps. Et à l’exception peut-être du travail de Robin (Ndlr : Pryor,  auparavant ingénieur du son de Twelfth Night) sur The Jewel, c’était toujours compliqué avec les ingénieurs du son, au point que cela prenne souvent une tournure conflictuelle. Imagine toi; il est deux heures du matin et le type qui bosse sur le mixage se tourne vers toi et te dis «Ok, on a bien bossé, c’est pas mal, on en reste là.». Toi tu lui réponds « Ecoute, pour être honnête, je ne suis pas super satisfait de cette partie de guitare ». Et là il se décompose… Tu peux lire sur son visage qu’il n’a qu’une envie; rentrer chez lui point barre. Sauf que toi, c’est ton disque et il est hors de question que tu te satisfasses de ce mix. Donc tu le forces à bosser jusqu’à cinq heures du matin et il est forcément furax.  Ce que je veux illustrer c’est que tu finis par avoir à composer sans cesse avec les ingénieurs du son, au point de devoir les implorer de faire juste un dernier petit changement en leur promettant que ça ira très vite. Bref tu marches constamment sur des œufs. Les choses ont changé du tout au tout le jour où j’ai rencontré Karl Groom. Je me souviens notamment d’une fois où il avait bossé assez longtemps sur quelque chose, je ne sais plus quoi exactement, et je lui ai dit avec toute la réserve de mes précédentes expériences « Dis, Karl, est-ce qu’on peut changer ça ? ». Et il m’a juste répondu sans sourciller « Oui, bien sûr ». Cela a été presque un choc pour moi qui m’attendais à devoir batailler! Il faut savoir que Karl fera toujours tout ce qu’il faut pour que le produit fini soit parfait. Peu importe combien de temps ça prendra et combien de temps ça vous mobilisera. Tu peux avoir remanié cent fois une partie et pourtant dire ensuite à Karl « J’ai écouté ça à la maison et ça ne sonne pas exactement comme je le souhaite ». Jamais il ne va te répondre « Quoi ? Ecoute, on en a déjà parlé. Là, j’en ai assez ! ». Au contraire, il va prendre en compte ton commentaire et s’atteler aux changements. C’est super simple de travailler avec lui et surtout très agréable. Ce sont toujours des sessions créatives et positives. On se marre bien, notamment parce qu’au mixage, on découvre souvent des sons et des procédés intéressants. Nous avons trouvé par exemple ce truc appelé T-Rex qui réduit les fréquences des instruments, ce qui donne une toute nouvelle dimension comme si tu les faisais passer par un téléphone, mais avec de la distorsion.  C’est tellement stimulant. C’est assez incroyable après 45 ans de vivre encore de tels instants.  C’est génial. J’adore travailler avec Karl. Et lui est heureux de consacrer le temps nécessaire pour obtenir le meilleur résultat possible. C’est une qualité rare.

Pendragon

« Avec Pure je me suis dit qu’il y avait suffisamment de points d’ancrage permettant aux fans de la première heure de s’identifier. » – Nick Barrett

Un mot sur l’artwork absolument magnifique de North Star, de nouveau réalisé par  Liz Saddington ? Comment as-tu travaillé avec elle ? Tu lui as donné des directives ?  

NICK BARRETT : Effectivement. Je lui ai indiqué ce que j’avais en tête, à savoir une route qui mène à cette étoile polaire. C’était assez vague. Mais au moins je savais que je voulais des personnages, comme bien sûr le garçon avec le chien, le dodo et d’autres choses plus étranges. Je lui ai dit par exemple que nous pourrions avoir quelques acrobates. Si tu regardes attentivement tu les verras. Et aussi un clin d’œil à Foxtrot (Ndlr : doit-on préciser l’auteur de cette oeuvre?).

Exact, les moines…

NICK BARRETT : C’est ça! Elle m’a demandé ce que je voulais précisément sur ce sujet, je lui ai dit « six hommes d’église drapés qui avancent lentement sur la pelouse, le septième marchant devant, tenant bien haut une croix » (Ndlr : rires). Je me suis dit, allez, ajoutons ce détail à l’artwork, ça sera un petit plus super sympa que les gens ne découvriront pas de prime abord.  Bon, au final nous n’avons que cinq hommes d’église donc c’est une variante (Ndlr : rires) ! J’ai donné pas mal d’idées comme celle-ci à Liz et elle les a peintes au fur et à mesure. Je voulais que cet artwork ait une tonalité très anglaise, tu sais cette représentation typique que l’on peut se faire de la campagne anglaise.

Changeons complètement de sujet et parlons set-list. Le titre “Higher Circles” marchait toujours très fort en live ; ça fait pourtant des années que vous ne l’avez pas joué. Cette compo est tombée en disgrâce ? 

NICK BARRETT : “Higher Circles” fait partie de ces titres qui sont typiquement des compos assez courtes que nous avons tellement jouées qu’on a fini par s’en lasser un peu pour être honnête. Je dis ça mais il y a tout de même des chansons que tu réintègres à un moment donné dans ton répertoire live. Comme on vient de le faire avec “The Black Knight” spécifiquement pour les VIP weekends (Ndlr : la dernière présence de cette compo sur une set list remonte à 2013). Celle-là il faut savoir qu’on la jouait tout le temps à l’époque, au point d’en faire une overdose (Ndlr : rires). Mais tu vois, on l’a ramené sous une autre forme, dans le set acoustique. Et je dois reconnaître que nous avons été, nous-mêmes, les premiers surpris !  On a adoré jouer ce titre de nouveau sous ce format. Et puis, parfois, ça défie toute logique ! “Paintbox” en est un excellent exemple. Tu aurais pu penser qu’on allait en avoir assez de jouer ce morceau. Pourtant, il y a quelques années, à contrario, “Paintbox” est un titre qu’on a subitement repris un plaisir dingue à jouer. C’est assez inexplicable. Alors, qui sait ? Peut-être qu’à un moment ou à un autre ces titres qu’on a mis volontairement de côté ressurgiront dans notre set list. Va savoir (Ndlr : rires).

Je voudrais maintenant revenir sur le virage de l’album Pure, cet album aux consonances presque prog metal. Est-ce que tu as nourri quelque inquiétude à l’époque de sa sortie ? Notamment en termes de réception par ta base de fans ?

NICK BARRETT : A aucun moment ! Un album comme Passion aurait presque pu constituer un plus grand risque avec ce passage rap. Et aussi avec ces boucles de batterie qui, de mon point de vue, donnent à l’ensemble une dimension très moderne.  Mais au final ça sonne toujours comme Pendragon. Ce sont toujours les mélodies typiques de Pendragon. Nous n’avons pas mis à la poubelle nos fondamentaux pour repartir de zéro et écrire une musique qui n’aurait plus rien à voir avec l’essence même du groupe. C’est toujours nous ! Avec Pure je me suis dit qu’il y avait suffisamment de points d’ancrage qui permettraient aux fans de la première heure de s’identifier, notamment avec des compositions telles que “Indigo”, “Comatose” ou “It’s Only Me”.

Et au final le grand succès de cet album n’a pas démenti ta perception. Une toute dernière question avant de conclure cette interview;  avec une carrière qui s’étend sur plus de 45 ans, si tu devais choisir le moment qui t’a rendu le plus heureux artistiquement, tu retiendrais lequel et pourquoi ?

NICK BARRETT : Le moment qui me vient immédiatement en tête est la première fois que nous avons joué live. C’était dans un endroit appelé The Marshall Rooms dans la ville de Stroud. Je devais avoir 16 ou 17 ans, de mémoire. J’ai quitté l’école ce jour-là pour ce concert et nous avons joué des reprises de Jimi Hendrix, de Led Zeppelin, de Santana et aussi de Fleetwood Mac. J’ai été bluffé par les réactions du public. Je n’arrivais pas à y croire. Et cette nuit-là, crois-moi, j’ai eu du mal à atterrir et encore plus à m’endormir. Je n’ai cessé d’y repenser. Ca tournait dans ma tête et je me disais «Jouer de la musique live c’est juste une sensation phénoménale. C’est la chose la plus extraordinaire au monde».

Un moment déterminant !

NICK BARRETT : Absolument. Après, bien sûr,  il y a eu tellement d’autres moments incroyables, comme la première fois où nous avons joué au festival de Reading (Ndlr : en 1983 devant 30 000 personnes), les concerts que nous avons faits avec Marillion, la première fois où nous avons joué au Marquee Club, ou quand nous avons tourné pour la première fois en Argentine, au Chili ou encore au Canada. Des moments tous uniques, à leur manière, et donc forcément marquants.

Il me reste à te remercier une fois de plus Nick pour cette interview et surtout pour toute cette magnifique musique que Pendragon nous a offert au fil du temps.  

NICK BARRETT : Merci beaucoup à tous ceux qui nous soutiennent depuis tant d’années. Et j’espère que nous reviendrons très bientôt en France. Au revoir !

Interview de Nick Barrett, réalisée par Stéphane Rousselot via zoom le 12 juin 2023

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