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Vendredi 7 décembre, un grand hôtel proche des Champs-Elysées. C’est dans une ambiance étrange de barricades que nous avons rendez-vous avec James LaBrie, vocaliste en chef de Dream Theater, venu défendre leur premier opus chez Inside Out.

Dream Theater - Distance Over Time (2019)

Lire la chronique de “Distance Over Time”

Bonjour James, bienvenue à Paris, malgré cette ambiance étrange…

JAMES LABRIE : Merci, on arrive juste de Berlin, on est juste ici pour l’après-midi (ndlr avec John Petrucci qui assure d’autres interviews en parallèle dans un autre salon de l’hotel), on n’a pas eu le temps de se rendre compte de grand-chose à vrai dire, et on commence à être bien cramés par les journées promos.

Comment vous sentez-vous ?

JL : Super sinon, on est tous excités par la sortie de ce nouvel album.

Félicitations à propos, c’est à mon gout un bon cru de Dream Theater !

JL : C’est sympa, merci !

L’album est très différent du précédent, comment avez-vous travaillé pour ce disque là ?

JL : D’un certain coté, c’est une progression naturelle par rapport au précédent. The Astonishing était une entreprise démesurée à côté. 3 ans de boulot, 2 heures de musique… En comparaison, Distance Over Time revient aux fondamentaux de ce qu’est un groupe de rock (ndlr: marrant, le même discours que Mike Portnoy à propos de Sons of Apollo). Quand tu montes un groupe, le premier truc que tu ressens, c’est l’énergie quand tout le monde se retrouve dans la même pièce et commence à jouer… et que les chansons commencent à prendre forme. C’est ce qui s’est passé pour nous ici, on s’est réunis, dans un endroit éloigné de chez nous, et on a en quelque sorte effectué un retour aux sources, à nos racines heavy. Et on a taché de ressentir les vibrations, de laisser les morceaux respirer prendre forme d’eux-mêmes, d’une manière plutôt simple et naturelle. C’est aussi probablement pour cela qu’il n’y a pas de long epic sur ce disque. C’est là-dessus qu’on s’est concentrés cette fois, et je trouve le résultat à la fois très puissant et très mélodique : 9 morceaux, plutôt ramassés, mais puissants et mélodiques. Pas trop de grandes envolées très techniques et très progressives cette fois, ce qui est plutôt notre nature et finalement assez facile pour Dream Theater. Il y a eu des moments où certains tentaient de partir dans des développements complexes et finalement le reste du groupe ramenait dans une direction plus simple, concentré sur la chanson.

« Distance Over Time revient aux fondamentaux de ce qu’est un groupe de rock… » – James LaBrie

Vous avez beaucoup jammé pour trouver les idées ?

JL : Pas vraiment, en fait il y a certains thèmes qu’on a trouvé simplement pendant des soundchecks. Le thème de “Viper King” vient d’un soundcheck comme celui de “Pale Blue Dot“. A chaque fois, ce sont des idées simples, qu’on a développé pour en faire une chanson. John (Petrucci) est arrivé un jour avec un simple riff qui est devenu “Fall Into The Light“, c’est un truc qu’il avait trouvé backstage pendant une tournée du G3.

C’est mon titre préféré.

JL : Cool, et donc une grande partie de l’album a été écrite comme ça, en mixant de petites idées des uns et des autres, Mike (Mangini) s’est beaucoup impliqué dans le processus créatif. C’est le premier album où il est autant impliqué du début à la fin… et c’est super car ça a apporté un côté nouveau, presque rafraîchissant par rapport à ce qu’on faisait habituellement, ça a vraiment été un effort collaboratif.

J’ai trouvé qu’avec ce disque, le groupe sonnait comme Dream Theater sonnait dans les années 90…

JL : Vraiment ? C’est cool, j’aime le son qu’on avait dans les années 90. Le disque à un son très naturel (ndlr : il dit ‘organic’). Ça vient peut-être de l’endroit où on a écrit, une grange retapée, le Yonderbarn a côté de New-York… c’était une ambiance de camp de vacances. D’habitude, on est en studio la journée, on dort à l’hôtel… complètement différent cette fois. Une ambiance très vintage et le son de ce studio était très naturel, comme ce que tu peux retrouver en live pendant un concert. Ça nous a apporté une énergie et des vibrations qu’on n’aurait pas trouvé dans un studio plus classique. Forcément il y a eu un impact sur la manière dont l’album s’est développé et la façon dont il sonne. De plus on a laissé beaucoup de liberté à notre ingénieur du son sur le mix des instruments. Pendant qu’il assemblait les pistes, on avait l’impression de se regarder ou de s’écouter jouer, plutôt que de diriger le résultat. On l’a laisser construire les morceaux selon ses idées. Il fait ça depuis plus de 30 ans et il a une grosse expérience pour donner un côté naturel aux morceaux.

Quelle est ta contribution personnelle à l’album ?

JL : Sur la musique j’ai plutôt apporté des idées, des suggestions ou, au contraire, dit quand je n’aimais pas quelque chose pendant que les gars jouaient. Sinon, j’ai contribué sur les lignes de chant, les mélodies vocales, qu’on a écrit avec John. Ensuite Jordan a rajouté des idées et j’ai fini en écrivant les textes.

A propos des morceaux maintenant, The Astonishing était très conceptuel, avec une vraie histoire. Est-ce qu’il y a un concept caché également ici ou c’est plus un disque en opposition au précédent ?

JL : (il se marre) Non non non, pas de concept ici. On a poussé le concept à son maximum avec l’album précédent. Là c’est juste un groupe de rock qui prend du bon temps. Un putain de heavy métal progressive rock band ! Aucun concept, chaque titre est indépendant et se suffit à lui-même. Bien sûr tu vas pouvoir retrouver quelques thèmes identiques dans les paroles d’un morceau à l’autre, mais c’est juste parce qu’on est influencé par ce qui se passe autour de nous dans la société d’aujourd’hui. Il n’y a pas de volonté de lier les morceaux entre eux ici.

Tu as dit que tu étais co-responsable des lignes vocales.

JL : Avec John et Jordan, oui.

Comment arrives-tu à garder un chant avec la même puissance depuis autant d’années. Ça fait 27 ans que tu es le chanteur de Dream Theater, comment préserves-tu ta voix ? Y compris pour le live, as-tu des techniques particulières ?

James Labrie

JL : Déjà je ne fume pas, ensuite quand on est en tournée, je ne bois pas non plus. Pas très rock’n’roll way of life, hein (il se marre) … Et ce n’est pas évident, car j’aime le bon vin, j’aime le Bourbon, le Scotch, la bière… mais j’essaye d’avoir une bonne hygiène de vie et de consommer avec modération… et rien en tournée. En tournée, je bois beaucoup, mais plutôt du thé ou du café au miel, des jus de fruits, des trucs vitaminés. J’essaie de courir 5 km par jour… J’essaie d’avoir une alimentation saine, légumes, fruits… pas trop de junk-food ou de trucs louches… et ça me maintient en bonne santé.

Je ne dis pas que ce n’est pas difficile en tournée. Tu sais je chante 3h par show, 5 à 6 concerts par semaines… je n’ai plus 20 ans non plus. C’est très exigeant comme rythme de vie.  Parfois, j’ai pu aussi être critiqué quand ma voix avait des faiblesses au cours de la tournée, mais tu sais quoi ? (il mime un doigt d’honneur)Qu’ils aillent se faire foutre” si je peux m’exprimer ainsi… Car ceux qui critiquent ne sont pas à ma place et ne sauraient probablement pas endurer ce rythme.

« … je chante depuis que j’ai 5 ans, mon père aussi avait une super voix… il m’a fait découvrir des jazzmen, de grands chanteurs… j’ai une profonde affinité avec la musique mélodique… » – James LaBrie

Il n’y avait pas de critique cachée dans ma question…

JL : Non, non, mais ce que je veux dire, c’est que je suis OK avec cette situation. La voix est un instrument biologique, humain, donc faillible… parfois… Mais pour répondre à ta question, car ma voix est quand même là et puissante dans la plupart des cas, et je suis capable de chanter comme le groupe le demande, j’en prends soin et je suis aussi très discipliné. Tout le monde te le dira dans le groupe, je traite très très sérieusement ma voix. Tu sais je chante depuis que j’ai 5 ans, mon père aussi avait une super voix… il m’a fait découvrir des jazzmen, de grands chanteurs… j’ai une profonde affinité avec la musique mélodique. Depuis que je suis gamin, je savais que je voulais être chanteur, faire ce job.

Le groupe est dans le business depuis de nombreuses années maintenant, tu disais que tu en faisais partie depuis 27 ans.

JL : Et j’ai sévi dans d’autres groupes avant (rires).

Qu’est-ce qui fait la longévité de Dream Theater ?

JL : Je pense que simplement on adore ce qu’on fait, en tout cas c’est mon cas. On n’a jamais rien pris comme acquis, et on se remet en question. On remet toujours notre travail en perspective, nous sommes des gens normaux, simples, on n’a pas la grosse tête en pensant avoir déjà tout donné. Le fait est qu’on fait ce qu’on rêvait de faire, mais avant toute chose, nous ne sommes pas blasés. On l’a encore ressenti pendant l’enregistrement de Distance Over Time, c’était comme une bande de potes qui prenait du bon temps ensemble, tout en gardant à l’esprit la qualité, et en étant responsables par rapport à notre travail. On pouvait être autour du BBQ en buvant un verre, on restait concentré sur la musique et au final tout revenait à l’album.

Parlons de la tournée, sur la tournée précédente, vous avez célébré les 25 ans de Images And Words, j’ai entendu des rumeurs à propos d’un autre anniversaire en 2019, celui de Metropolis Part 2.

JL : Tout a fait ! La tournée sera sous la forme ‘An Evening With‘… pas de première partie et trois heures de show, le deuxième set sera l’intégralité de Metropolis Part 2. (il se marre : ‘here we go again !’), le premier set sera constitué de morceaux de Distance Over Time et d’autres titres de notre back-catalogue, dont certains qu’on pas joué depuis très longtemps et le deuxième set sera Scenes From a memory du début à la fin… et en principe un rappel. On ne sait pas encore exactement ce qu’on va mettre dans la setlist, mais c’est l’idée. On va probablement faire une setlist variable sur la première partie mais Scenes sera joué tous les soirs.

Du coup prévoyez-vous de faire plusieurs soirées par ville, car une partie du public voudra assister à tous les concerts si la setlist change ?

JL : C’est une autre histoire ça.  Nos agents sont en train de commencer à booker la tournée, les salles, donc pour le moment on ne sait pas. Il est possible qu’on revienne au même endroit après plusieurs mois… En France par exemple il y a plein d’endroit où on aimerait jouer, on a beaucoup de fans un peu partout en France. Par exemple j’adore Lyon, Bordeaux, Marseille, Paris bien sûr, j’espère qu’on pourra faire plusieurs dates. On va essayer deux soirs à Paris.

En ayant 14 albums au compteur et en décidant d’un jouer un entier, en plus de l’album à promouvoir, est-ce que c’est dur de construire une setlist ?

JL : Tu sais, nos fans espèrent entendre des titres qu’on n’a plus joués depuis longtemps.  Il y a plein de critères à considérer. En fait on a une feuille excel avec les titres des morceaux, ensuite chacun choisit ses favoris, et on fait un premier tri comme ça. Ensuite on vote, on cherche un consensus autour d’une liste commune. Et on revient à l’option que je te donnais tout à l’heure : un premier set avec une setlist qui varie tous les soirs, à part les titres de Distance Over Time. Ça rend la chose plus…intéressante. On n’a pas encore statué a 100%, mais on est en train d’arriver à des set-lists qu’on espère sympa pour le public.

Et tu as déjà une idée de l’agenda de la tournée ?

JL : Et bien cette fois-ci on démarre en mars aux US à San Diego, ensuite on va écumer les USA, le Canada et le Mexique pendant 3 mois. A partir de juin on va faire une tournée orientée festivals, en Europe, d’ailleurs on sera au Hellfest cette année. Ensuite on retourne à la maison à la fin de l’été pour se reposer, et on revient en Europe à l’automne avec le même show qu’aux US. Et on jouera aussi en Amérique du Sud, dans le Pacifique … sur mars (il se marre)

Dream Theater

Qu’est-ce que ça change pour vous de jouer aux US, en Asie, en Europe…

JL : En Asie, le public est plus… réservé, conservateur… ils sont assez sages. En Europe, tout le monde chante, il y a beaucoup d’énergie, de communication avec le public, aux US c’est un mix des deux attitudes, et en Amérique du Sud, ils sont dingues, littéralement. En Inde aussi le public est incroyable. A Dubaï aussi étonnamment, le public est dément, beaucoup d’énergie de passion… En fait ou que l’on joue, on se rend compte qu’on est tous connectés par la musique, et on en a parlé dans le groupe, nous sommes tous d’accord et du même avis là-dessus. Nous sommes des individus, des humains, et la musique est certainement une des forces les plus puissantes sur cette planète pour réunir les gens…

Distance Over Time est votre premier disque chez Inside Out.

JL : Inside Out et Sony, oui.

Pourquoi Inside Out et que vous apportent-ils par rapport aux autres labels ?

JL : Il n’y a rien à reprocher aux précédents label, on était chez Warner depuis des années, il y a juste qu’Inside Out était devenu inévitable. Ça devait arriver, tôt ou tard. Ce n’était pas ‘est-ce que ça devait arriver ?’, mais quand ça arriverait. Thomas Waber, le patron d’InsideOut, est fan de Dream Theater depuis très longtemps. Je me souviens de lui dans le public pendant la tournée Images and Words en 92… et il nous suit depuis cette période, et Thomas est un type très droit, très honnête, s’il n’aime pas un album ou un groupe, il ne se gêne pas pour le dire, et s’il adore un groupe ou un disque c’est la même chose. On avait plusieurs labels qui voulaient nous signer, mais on savait qu’avec Thomas, on avait un fan en plus d’un patron de label. Quelqu’un qui connait le groupe, qui le comprend. On savait qu’il serait derrière nous, a 100%. Il nous a laissé une totale liberté, même s’il a des périodes du groupe qu’il préfère plus que d’autres, il n’a pas cherché à nous orienter pendant qu’on écrivait. Quand on faisait Falling Into Infinity par exemple, on avait beaucoup de pressions extérieures pour nous pousser dans une direction qu’on n’aurait peut-être pas suivie…et Scenes from a Memory était d’ailleurs une réaction à cette pression, on y avait mis tout ce qu’on voulait sans s’occuper des pressions extérieures, et ça a été un nouveau chapitre pour Dream Theater.  Thomas a toujours été très respectueux des artistes, je le connaissais d’avant puisque mes albums solos sont sortis chez InsideOut. Et quand il nous a approchés pour nous signer, je savais, nous savions que c’était le bon, le bon boss et le bon label.

A propos de tes albums solos, des plans pour un nouveau disque ?

JL : Difficile, Matt Gillory, qui écrit avec moi à sa vie à coté et peu de temps. Il bosse à plein temps chez Apple, donc la musique n’est pas son métier. C’est délicat pour lui de s’investir sur un projet. On est toujours en contact, et si on a une opportunité de booker du temps ensemble on sortira quelque chose. Il y aura certainement un album, mais on ne sait juste pas quand.

Pour conclure, que souhaiterais-tu dire à vos fans français à propos de ce disque ?

JL : D’abord qu’on va venir au Hellfest, on est super excités de jouer dans ce festival.

Tu sais que le festival est sold-out , tout a été vendu en deux heures !

JL : (expression effarée) Incroyable, on parle de combien ? 50 000 personnes à peu près non ? c’est dingue ! En tout cas, on veut vraiment remercier le public français de toutes ces années de soutien envers le groupe. Je me rappelle encore de notre premier show à la Loco, et de notre rencontre avec le fan-club à 2 heure du matin en partant de la salle… En plus du Hellfest, on vous prépare un super show pour l’automne, avec Metropolis et Distance Over Time, ça va être génial !

Tu te rends compte que tu nous fais du teasing avec des mois d’avance ?

JL : Oh mon dieu, c’est vrai ! C’est dingue quand tu le présente comme ça.

Merci beaucoup pour ton temps, et à dans quelques mois sur scène !

JL : Ça a été un plaisir, merci à vous !

Une interview réalisée en décembre 2018 par Stéphane Mayère pour KOID9
Traduction : Stéphane Mayère
Remerciements à Valérie Reux

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