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Il était temps ! Après une tournée des grands ducs de plus de deux ans sur fond de revival Genesis enthousiasmant, Steve Hackett a donc repris la quête de son œuvre en solitaire quatre ans après Beyond the Shrouded Horizon. Un retour aux sources bénéfique pour le guitariste qui signe et soigne avec Wolflight ses inspirations éclectiques et subtiles.

À l’image de cet authentique gentleman de la musique.

Steve Hackett - Wolflight (2015)

Chronique de “Wolflight”

Bonjour Steve, comment vas-tu ?

Steve Hackett : Bien ! Vraiment bien ! Je reviens tout juste d’Islande où j’ai joué aux côtés du Todmobile Orchestra, un orchestre fabuleux de 70 personnes avec des chœurs également. Deux super concerts.

Justement, après deux ans passés sur les routes à rejouer le répertoire de Genesis, quel bilan tires-tu de ce flash-back musical ?

Steve Hackett : Je crois qu’il était bon de revenir à la source. Aujourd’hui, Genesis est une vraie source d’inspiration, même pour certains musiciens de Jazz, mais malgré tout ça, j’ai tout de même été surpris de la réponse vraiment positive du public. C’est vrai que je ne me suis pas vraiment écarté des versions d’origines mais la façon dont cette musique est restée fraiche et actuelle est vraiment étonnante. Bien sûr, nous avions pris soin de donner un petit coup de jeune à la setlist tout en conservant leur personnalité. Certains titres pouvaient contenir un peu d’improvisations comme « The Return of the Giant Hogweed », quelques extravagances ici et là pour « Supper’s Ready » et d’autres moins comme « Musical Box ». Quoi qu’il en soit, j’ai pris un immense plaisir à jouer ces morceaux sur scène et je crois que ce fut partagé.

En ce début d’année, tu reviens donc avec un nouvel album studio intitulé « Wolflight ». Le vingt-cinquième je crois…

Steve Hackett : Peut-être… quelque chose comme ça (rires).

Steve Hackett

Peux-tu nous en dire plus sur ce titre ?

Steve Hackett : Wolflight désigne le court moment entre la fin de la nuit et le début de la journée, juste avant que la lumière du soleil n’arrive. Cela m’est venu de l’Odyssée de Homère où Ulysse se levait à ce moment particulier de la journée.

En français on appelle cela « Entre chien et loup ».

Steve Hackett : Oh vraiment ? C’est intéressant. (il discute avec son épouse Jo également présente). C’est précisément le moment où les loups vont chasser. En fait, la majeure partie de la musique a été composée dans cette ambiance, vers 5-6h du matin.

C’est un moment spécial pour écrire ?

Steve Hackett : Oui. On n’est pas totalement réveillé, nos sens et notre conscience ne sont pas totalement séparés de nos rêves. On ne pense pas encore avec toute notre logique, tu vois, toute cette partie est un peu endormie et on peut se laisser embarquer.

Il y a évidemment une forte connexion avec les loups. J’ai lu sur ton site officiel que tu en avais rencontré en Italie…

Steve Hackett : Au moment où nous avons pris la photo pour la pochette, j’écrivais précisément sur les loups qui sont des animaux fascinants. Pas seulement pour une chanson mais c’était un concept à propos de la relation entre les hommes et loups à une époque où ils étaient proches. J’ai rencontré des loups près de Rome chez une personne qui les élève. Il y en avait vraiment beaucoup. Les loups le regardent comme l’un des leur et donc tout se passe bien mais j’avoue que je n’étais pas très rassuré. Il nous a présentés et nous avons pu les approcher et même jouer avec les plus jeunes. Ce fut quelque chose de vraiment magnifique. Une journée fantastique où j’ai appris à les connaître, et j’ai compris qu’il y avait un sentiment commun sur la façon de nous percevoir mutuellement. C’était un échange. On a créé une vraie communication entre nous. Même les silences étaient imposants. Les gens pensent que ce sont des animaux terrifiants mais dans les bonnes circonstances, ils peuvent être affectueux.

« Il y a tellement d’autres choses intéressantes à mélanger, de styles qui peuvent se compléter… le résultat peut donner quelque chose de magique. »

Et ce sont également une belle source d’inspiration.

Steve Hackett : Exact. À un moment, l’éleveur les a fait monter sur un mur, assez haut, tu vois. J’étais inquiet qu’ils puissent tomber et un des loups a commencé à me lécher la main. Il se rendait compte que je m’inquiétais pour lui et il me rassurait !

La confiance était là.

Steve Hackett : Oui et c’est l’origine du titre « Wolflight ». J’ai écrit le texte avec Jo. Nous avions partagé ces émotions, cette expérience et nous pouvions facilement les échanger. Ce titre parle des hommes, il y a longtemps, de leurs relations avec les loups et pour cela on a utilisé des instruments traditionnels comme le Tar. C’est Malik Mansurov qui en joue, il est originaire d’Azerbaïdjan. Je crois qu’il a travaillé en France plusieurs fois. Il est très habitué aux styles de musiques venant d’Iran, Irak, Turquie etc. cela donne une saveur orientale à ce morceau. Le but du morceau mais aussi de l’album était de pouvoir échanger des idées musicales différentes. On a ajouté du Didgeridoo, du Duduk…

As-tu songé à jouer ces instruments toi-même ?

Steve Hackett : Ces dernière années, en ce qui concerne les instruments un peu exotiques, j’ai pu jouer du Koto, du Oud, du Luth fretless. J’ai essayé de jouer des parties de guitares très inspirées du style moyen-oriental. Il n’y en a pas autant que cela sur l’album mais c’est quelque chose qui lui donne une couleur particulière comme pouvait le faire Grieg ou Tchaïkovski. Je trouve que cela fonctionne très bien avec le rock et à l’avenir, je procéderai comme cela. Je ne souhaite plus m’inspirer uniquement de la musique dite de l’ouest. Je l’aime toujours mais il y a tellement d’autres choses intéressantes à mélanger, de styles qui peuvent se compléter. Telles ou telles musiques peuvent ne pas fonctionner l’une à côté de l’autre mais mises en relation, le résultat peut donner quelque chose de magique.

On a parfois l’impression d’écouter une bande originale…

Steve Hackett : C’était effectivement le but. Donner autant à écouter qu’à imaginer. Cela fait des années que l’on me demande de composer de la musique de films. Mais je crois que depuis mes débuts dans la musique je tente de faire quelque chose dans ce sens. Des compositions aux ambiances très différentes, parfois dramatiques, amusantes, légères avec toujours la volonté de raconter une histoire.

« Je retrouve aujourd’hui cette liberté de pouvoir faire ce que je veux sans pression… »

Ta façon de composer est-elle la même entre un morceau classique et un autre plus rock ?

Steve Hackett : Je n’ai pas d’idée préconçue sur la façon dont se développe une musique. J’essaye de ne rien forcer et de laisser la musique venir à moi. Je préfère écouter le résultat avant de m’orienter vers ceci ou cela. Ces derniers temps je ne fais plus de distinction quand je compose entre électrique, acoustique ou classique. Je crois que Wolflight est mon premier album dans ce sens, avec un tel mélange. Un titre comme « Lovesong with a Vampire » est influencé par la musique espagnole, le flamenco, mélangé à un esprit de chanson française et de musique country. Tu mélanges tout ça, tu ajoutes un chorus et tu obtiens quelque chose d’étonnant. Je ne suis plus intéressé par une musique totalement “pure“. Je souhaite utiliser des choses différentes aujourd’hui, mélanger ma musique avec la musique noire par exemple. À l’époque de Please Don’ t Touch (1978) j’étais accompagné par un groupe de musiciens noirs exceptionnels avec Chester Thompson à la batterie, Randy Crawford… ils avaient cet instinct de faire une musique instantanément lumineuse, spontanée.

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Et nous étions déjà dans ce processus d’échange d’idées. C’était vraiment bien. Je retrouve aujourd’hui cette liberté de pouvoir faire ce que je veux sans pression. Je mélange donc acoustique, électrique, passages calmes et heavy, comme je le sens.

Ce n’est pas si commun de mélanger classique et électrique et surtout d’être aussi performant dans ces deux styles…

Steve Hackett : Non, effectivement. Mais tu sais, je crois que la chose qui m’a fait, et me fait encore, aller dans ces deux directions reste la passion. Ce n’était pas un calcul de ma part de me lancer dans la « guitare classique ». C’est juste arrivé comme ça. Plus j’étais attiré par l’instrument, plus sa présence se faisait sentir dans ma musique. Cela m’a pris des années pour me décider à jouer avec les ongles. J’aime le son d’une guitare électrique jouée avec un médiator mais il me fallait des ongles solides pour jouer de la guitare classique. Et tout à suivi. Mais je ne crois pas déshonorer la guitare électrique en jouant ainsi (rires). Et si je devais faire un choix, je crois que je prendrais une guitare classique sur une île déserte.

Cela dit, ce serait plus difficile de trouver de l’électricité sur cette île déserte…

Steve Hackett : (rires) Effectivement ! Mais aujourd’hui, tout est possible ! Je crois que tout cela revient au même qu’un claviériste vis-à-vis d’un synthétiseur et d’un piano. Avoir la possibilité de produire du tonnerre et de la douceur extrême. La guitare classique a tant de possibilités mais nécessite beaucoup, beaucoup de temps, d’efforts et de sacrifices. Lorsque tu enregistres, si tu respires trop fort, c’est raté, quand tu fais le moindre bruit extérieur, c’est raté. Pour avoir un bon vibrato, le bruit fait sur le manche peut être difficile à gérer également, ce bruit sur la fret, ce « squik »… ça me rend paranoïaque (rires) car je sais que beaucoup de gens n’aiment pas cela. J’essaye donc d’éradiquer tous ces éléments externes lorsque j’enregistre avec une guitare classique. Alors, oui, ça peut prendre beaucoup de temps mais lorsque ça fonctionne, c’est fabuleux. J’ai fait un album intitulé Tribute (2008) avec notamment six morceaux de Bach. Je crois que les amateurs étaient contents. C’était un travail difficile car pour permettre à une guitare classique de s’envoler, il faut une montagne de patience.

« Je pense être meilleur aujourd’hui. Je suis plus occupé que je ne l’ai jamais été. Je travaille pour moi, évidemment, mais je collabore également pour d’autres artistes ou albums. C’est une bonne chose… »

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Quelles guitares as-tu utilisé sur cet album ?

Steve Hackett : Principalement deux guitares électriques. Une Fernandes et une Gibson Goldtop Les Paul 1957 que j’utilisais déjà avec Genesis. Pour les guitares classiques et acoustiques, j’ai plusieurs Yairi, des guitares japonaises. Et deux 12 cordes Farida.

Comment as-tu commencé la musique ?

Steve Hackett : Mon père jouait de pas mal d’instruments et notamment de l’harmonica sur lequel j’ai commencé. Il était un modèle pour moi. Et puis, il a acheté une guitare canadienne en 1959 et j’ai donc commencé à cette époque.

As-tu pris des cours ?

Steve Hackett : Non, jamais, excepté à l’école comme tous les autres, où nous lisions un peu de musique. Rien de plus.

Sais-tu lire la musique aujourd’hui ?

Steve Hackett : Avec un dictionnaire spécial oui, très lentement. En fait j’ai besoin d’annotations pour suivre une partition. C’est Roger (ndr : King) qui me les prépare.

Même lorsque tu joues du Bach ?

Steve Hackett : C’est un travail très personnel en fait. Il s’agit plus d’interprétations que de la partition exacte originale. Roger m’aide également dans ce domaine. Il est bien meilleur que moi pour lire et transcrire la musique.

Tu formes un sacrée équipe avec Roger…

Steve Hackett : Fantastique, oui. Il est très doué, très méticuleux et très patient également ! Il reste avec moi car je suis plutôt lent (rires). J’ai besoin de temps pour trouver la meilleure note et la jouer du mieux possible…

Pour quelqu’un de lent, tu as quand même la réputation d’avoir inventé le tapping…

Steve Hackett : Oui, c’est la technique idéale pour jouer très vite sur une guitare… et pour impressionner le public (rire).

Bon, la question qui dérange évidemment, il s’agit de ton opinion sur le documentaire de la BBC « Genesis, Together and Apart » (ndr : connu également comme “Sum of All Parts”) ?

Steve Hackett : Je l’ai personnellement trouvé très décevant. Je crois que je ne suis pas le seul. (silence gêné) Mais tu sais, je ne suis ni le réalisateur, ni le producteur, ni le monteur… je leur ai donné beaucoup, beaucoup de temps mais je n’étais pas celui qui décidait de ce qu’il fallait garder ou pas…

Et comment gères-tu le fait que tu fasses aujourd’hui partie de la “bande son” de tant de personnes ?

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Steve Hackett : C’est très sympa de savoir cela. C’est un sentiment positif, agréable mais je n’en retire pas un égo surdimensionné pour autant. C’est une impression difficile à décrire. Cela veut dire que j’ai également une certaine responsabilité pour faire les choses dans le bon sens. Mais je crois être meilleur aujourd’hui. Je suis plus occupé que je ne l’ai jamais été. Je travaille pour moi, évidemment, mais je collabore également pour d’autres artistes ou albums (ndr : Franck Carducci, John Hackett, Neal Morse, Steve Rothery entre autres). C’est une bonne chose.

2015 sera aussi l’occasion de fêter les 40 ans de Voyage of the Acolyte (1975).

Steve Hackett : Oui, et ma prochaine tournée célèbrera l’évènement comme il se doit. C’est important de marquer le coup d’un premier album.

À l’époque c’était une décision difficile de faire un premier album solo ?

Steve Hackett : En fait, à ce moment-là, Peter (ndr : Gabriel) venait de quitter Genesis et personne ne savait ce qui allait advenir de Genesis. D’autres membres avaient déjà tenté l’aventure en solo et je me suis logiquement lancé à mon tour. Mais pas sans l’aide de Phil (ndr : Collins) et Mike (ndr : Rutherford). La création de l’album fut vraiment enthousiasmante. J’étais maître à bord sans avoir besoin de convaincre personne pour ceci ou cela. Avec le recul, c’était évidemment un premier pas vers mon départ du groupe. Mon rôle au sein de Genesis tendait à se marginaliser. Je sentais que la seule façon de pouvoir m’exprimer était de suivre mon propre chemin.

Cela faisait longtemps que le public attendait que tu joues ces morceaux…

Steve Hackett : Oui, mais tu sais, les spectateurs des deux dernières tournées attendaient quand même des titres de Genesis. C’était ce qui était vendu sur le ticket, donc, voilà, je ne pouvais pas trop m’en écarter. Cette fois, je vais pouvoir jouer des extraits du nouvel album, des choses plus anciennes, du Genesis… encore une fois, ce sera un vrai mélange.

Difficile de choisir dans une carrière comme la tienne.

Steve Hackett : Oh oui ! Un truc à devenir dingue (rire). J’ai déjà joué des titres de Voyage of the Acolyte auparavant, d’autres non… alors ce sera festif, forcément.

Nous y serons !

Steve Hackett : Super ! On se reverra là-bas alors.

Propos recueillis en février 2015 avec Rémy Bordier
Remerciements à Valérie Reux.
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