bannière www.bdelanls.fr - Création et refonte de site internet
King Kong
5.0Chef-d'œuvre

Lorsque King King sort sur les écrans en avril 1933, ses effets primaires (et secondaires) font l’effet d’une secousse tellurique dans le microcosme hollywoodien. Il faut avouer que le film réalisé conjointement par Merian Caldwell Cooper et Ernest Beaumont Schoedsack sortait tout droit des prestigieux studios RKO Radio Pictures (qui offriront pléthore de bijoux, au sommet desquels se trouve Citizen Kane) ce qui, en plus d’un gage de qualité, en disait long sur la vocation arty de la chose. Comme souvent, la genèse de King Kong ne fut pourtant pas un long fleuve tranquille tant l’ambition des auteurs touchait aux limites du possible immortalisable sur pellicule.

La fascination de Merian Cooper pour les singes, de ses lectures personnelles au film Four Feathers (1929) qui étudiait une tribu de babouins, devait trouver son aboutissement dans un script écrit en 1929 qui prévoyait l’affrontement entre un gorille et des Dragons de Komodo. Les studios Paramount refusèrent le projet, jugé trop coûteux avec un tournage partagé entre l’Afrique et l’Indonésie. Qu’à cela ne tienne, Cooper poursuivra son projet qui s’intitulera « The Most Dangerous Game » avec Fay Way et Robert Armstrong déjà prévus au générique, le tout développé avec le copain Ernest Schoedsack. Entre temps, le génie des effets spéciaux Willis O’Brien souhaitait approfondir le travail réalisé sur The Lost World (Harry O. Hoy, 1925) pour lequel il avait élaboré une technique révolutionnaire dans la fabrication de marionnettes d’animation qui permettait de positionner le squelette des dinosaures dans n’importe quelle attitude. L’histoire de Creation (c’est son titre) évoquait un bateau qui s’échoue sur une île perdue, des passagers qui découvrent le cratère d’un volcan éteint, une jungle hostile et… des dinosaures ! Le projet est dantesque. Willis O’Brien fait des miracles mais le tournage s’éternise, le budget flambe, et en 1931 la RKO au bords de la banqueroute doit faire appel à David O. Selznick pour rétablir l’équilibre. Ce dernier ne transige pas. Annulations, arrêts de tournage, tout doit aller dans le sens du rétablissement financier. Pour aider le nouveau boss, Merian Cooper se retrouve à visionner les films à problèmes parmi lesquels se trouve Creation (évidemment). Le film est annulé au grand désarroi de Willis O’Brien. Si Cooper n’a pas été impressionné par ce qu’il a vu, il a le flair de détecter tout le potentiel à disposition. Il décide de convaincre David O. Selznick avec quelques bobines tests produites en douce sous le code secret de « Production 601 ». Bingo ! Épaulé par le scénariste Edgar Wallace, le projet se transforme rapidement en « The Beast » puis « Kong ». La légende est en route.

« Il faut un gorille qui fera crier les femmes » (Merian Cooper)

 

Malgré la densité du projet, l’animation en stop motion et des besoins techniques délirants, la RKO parit donc sur cette histoire débridée qui consulte sans vergogne l’imaginaire dans un esprit de série B luxueuse. L’oxymore ne doit rien au hasard tant l’imagination travaille à plein régime : le spectateur se voit rapidement embarqué avec le cinéaste Carl Denham, à la découverte de la mystérieuse « Skull Island » au large de Sumatra. Le capitaine Englehorn prend à bord du SS Venture une jeune figurante au chômage, Ann Darrow (Fay Way), qui tombera rapidement amoureuse du second d’équipage Jack Driscoll. Du classique, du solide, une charpente narrative qui n’impressionne pas mais assez exotique et bien ficelée pour captiver.

Mais c’est évidemment la suite des événements qui donnera à King Kong son caractère abracadabrantesque, fascinant et magique. Car le film entre par la grande porte dans un genre compliqué, subtile et généreux quand la recette fonctionne : le fantastique poétique. D’autres exemples suivront (La Belle et la Bête par exemple et plus près de nous Edward aux Mains d’Argent) mais King Kong ajoutait des trésors d’inventions (nouveaux procédés optiques, sonores, mécaniques), des séquences sadiques, érotiques et un réalisme alors jamais vu, ni entendu (n’oublions pas que le parlant n’existe que depuis six petites années). Toute cette machinerie servira à illustrer cette fameuse île gavée d’animaux préhistoriques, d’autochtones anthropophages, et bien entendu du fameux Kong, Dieu vivant des peuplades alentours, gorille géant qui aura le bégin immédiat pour la jeune femme, avec enlèvement et tout le toutim. La suite appartient à la légende. Kong est anesthésié, ramené à New York où il met un boxon pas croyable avant, obsession ultime, de rekidnapper « la femme aux cheveux d’or » pour l’emmener sur le plus haut sommet à disposition (décidément), l’Empire State Building. Séquence culte. L’aventure échevelée donne le frisson. Mené tambours (primitifs ou pas) battants, le récit suit une dramaturgie nettoyée des scories parasites.

« Ce n’était pas les avions, mais la Belle qui a tué la Bête ».

Le budget pharaonique pour l’époque (670.000 dollars dont les trois quart en dépassement et neuf mois de tournage nécessaires) mutualise les savoir-faire. Le film « Les Chasses du Conte Zaroff » se tourne en effet de nuit dans les mêmes décors avec le même réalisateur, scénariste (James Ashmore Creelman), compositeur (Max Steiner) et Fay Way au casting. L’exploitation initiale de ce dernier sera un tremplin au succès de King Kong qui bénéficiera de multiples ressorties (1938 1942, 1946, 1952 et 1956) et d’une vingtaine de minutes de coupes attenantes dont une scène durant laquelle des marins se font dévorer par une araignée géante. Bon appétit !

C’est donc l’ingéniosité première d’une histoire qui entremêle habilement les obsessions de Jules Vernes, sir Arthur Conan Doyle (Le Monde Perdu) et du conte de la Belle et la Bête qui donne toute la saveur à l’aventure. Tout cela, ajouté à la métaphore sur la déliquescence d’une société post crise financière symbolisée par un New York à la fois super-architectural et voué à la rage perdue du fantasme primitif animal. Chose rare, King Kong inventait un mythe de toute pièce, représenté par le génie de Willis O’Brien (et du marionnettiste Marcel Delgado) qui se partagea entre modèles réduits et grandeur nature pour truquer près de 90% du film. Si cela ne lui rapporta aucun prix (le film n’obtint aucune nomination aux Oscars malgré la demande de Selznick de lui remettre une récompense spéciale), il immortalisera quelques-uns des plans les plus fameux du cinéma fantastique. Et comme toute légende pelliculaire, la suite tiendra de la gageure avec des remakes officiels réalisés en 1976 par John Guillermin et en 2005 par Peter Jackson, la série des Godzilla qui verra, comme une cerise, la sortie d’un King Kong vs Godzilla en 1962 après que la licence fut vendue par RKO aux studios Toho.

Chef d’œuvre total, souvent imité mais à la poésie visuelle rarement égalée, King Kong se verra même offrir une suite neuf mois plus tard. Mis en scène par le même Ernest B. Schoedsack, Le Fils de King Kong (Son of King Kong) jouera un peu trop sur les archétypes déployés dans le film original et s’avèrera un échec public et critique sans appel. Coup d’essai coup de maître. Mais ceci est une autre histoire…

KING KONG

King Kong (1933

Titre : King Kong
Titre original : King Kong

Réalisé par : Merian C. Cooper, Ernest B. Schoedsack
Avec : Fay Wray, Robert Armstrong, Bruce Cabot…

Année de sortie : 1933
Durée : 100 minutes

Scénario : James A. Creelman et Ruth Rose, d’après une idée de Merian C. Cooper et Edgar Wallace
Image : Eddie Linden, J.O. Taylor, Vernon Walker et Kenneth Peach
Musique : Max Steiner
Effets Spéciaux : Willis O’Brien

Nationalité : États-Unis
Genre : Fantastique, drame
Format :  Noir et blanc — 1.37:1 • 35 mm — Mono (RCA Photophone System)

Synopsis : Figurante sans travail, la blonde Ann Darrow est engagée par le réalisateur Carl Denham pour être la vedette de son prochain film. Le Venture, le navire commandé par le capitaine Englehorn et qui comprend toute l’équipe, atteint Skull Island, une île mystérieuse où vivrait une créature légendaire vénérée par les indigènes et appelée King Kong. Durant le voyage, Ann tombe amoureuse de John Driscoll, le second du bateau. Une fois débarqués, les explorateurs sont aussitôt repérés par les indigènes et font marche arrière. Mais ces derniers enlèvent Ann, la “femme aux cheveux d’or”, et l’attachent pour l’offrir en sacrifice à King Kong. Au moment où ses compagnons arrivent pour la délivrer, un singe gigantesque saisit la jeune fille et disparaît dans la forêt. Denham et ses hommes se lancent alors à la poursuite de King Kong…

Votre avis

Laisser un commentaire