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Frankenstein Junior
5.0Chef-d'œuvre

Qui peut prétendre n’avoir jamais rigolé devant un film de Mel Brooks ? Certes, ce dernier n’a pas la subtilité d’un Woody Allen (qu’il a malgré tout contribué à sortir de l’ombre), mais en regardant dans le rétroviseur, on ne peut que constater les énormes dégâts du côté des zygomatiques…

Au début des années 70, Mel Brooks est un vieux roublard des planches et de la télévision mais un “jeune” réalisateur avec deux films à son actif : le succès confidentiel des Producteurs (The Producers, 1968) qui lui valu, excusez du peu, l’Oscar du meilleur scénario à la barbe de Stanley Kubrick et au nez de John Cassavetes, puis le bide sans appel du Mystère des Douze Chaises (1970). C’est donc avec pas mal de doutes et un poil de pression qu’il va mettre au point tous les éléments qui feront débouler le succès dans un sous-genre encore peu exploité : la parodie échevelée. Il faut préciser que notre ami vénère totalement Hellzapoppin (H. C. PotterEdward F. Cline, 1941), film matriciel du non-sens poussé dans ses retranchements avec un déchaînement de gags surréalistes. C’est d’abord Le Shérif est en Prison qui en fait les frais (1974). Western sans limite dans la déglingue, le film permet au réalisateur de collaborer avec le comédien Gene Wilder. Ce dernier lui propose alors un début de script basé sur Frankenstein. Mel Brooks est réticent. Pourquoi une énième version du roman de Mary Shelley ? Mais l’acteur croit en son idée et finit par le convaincre de co-écrire le film, le réaliser et… de ne pas jouer dedans ! Après tout, c’est son projet et il veut l’assumer jusqu’au bout.

Frankenstein Junior est un film ambitieux. Il se veut un hommage aux productions classiques des studios Universal et notamment des œuvres de James Whale (Frankenstein en 1931, La Fiancée de Frankenstein en 1935), de ses succédanés (Le Fils de FrankensteinLa Maison de Frankenstein) et de quelques autres classiques (King Kong notamment). D’ailleurs, le film utilisera les mêmes décors et accessoires que le Frankenstein de 1931, sur un noir et blanc splendide, une musique « à la façon de » signée John Morris, des effets sonores malins et le jeu forcément théâtral des comédiens. Le tout porté par une véritable culture de l’oeuvre littéraire originale et de son mythe cinématographique.

 

« Drôle et poétique, Frankenstein Junior est un classique de loufoquerie nostalgique. »

 

Wilder et Brooks ne cherchent pas la facilité pour autant. Malin, le script s’appuie sur le personnage de FrédérickFrankenstineFrankenstein, hypothétique arrière-petit fils du funeste docteur, qui cherche à tout prix à faire oublier ses origines avant d’hériter du célèbre manoir de son ancêtre. Dès lors, il ne tarde pas à reprendre les expériences de ce dernier et donne vie à un être à la force surhumaine mais un poil simplet. Inévitablement, le Monstre (Peter Boyle, impeccable) finit par s’échapper, provoquant la colère des villageois qui partent à sa recherche pour une expédition punitive en bonne et due forme. Frédérick Frankenstein va alors tout tenter pour sauver sa créature.

De ce canevas, les deux compères vont s’amuser à chambouler les habitudes tout en donnant l’illusion de se trouver dans les classiques visés et revisités. La patte du réalisateur est là, dans les excès, l’absurde parfois trivial. Le fil de la dérision déraisonnable est tiré, épuisé, mais préservé par un Gene Wilder sur son nuage, dans le rôle de sa vie. Il a beau rouler des yeux, en faire des tonnes avec son complice détraqué Marty Feldman, c’est avant tout la poésie de l’acteur (et scénariste) qui vient taquiner la loufoquerie de son complice et faire que la parodie ne verse jamais dans un barnum de grand n’importe quoi. Cette légèreté préserve Frankenstein Junior des ruptures à venir dans la filmographie de Mel Brooks et offre quelques séquences d’anthologie : Elizabeth (Madeline Kahn) qui se retrouve soudain avec les cheveux crêpés de La Fiancée de Frankenstein, la rencontre entre le monstre et la petite fille (coupée dans l’original de James Whale), avec l’aveugle joué par un Gene Hackman méconnaissable, la panique des chevaux à l’évocation du nom de Frau Blücher (Cloris Leachman) ou les treize (!) coups de minuit…

En prenant le parti de la modestie, de la nostalgie et de l’hommage plus que de la déconstruction rentre dedans, Mel Brooks parvient à mettre en lumière des dialogues souvent hilarants (merci Gene Wilder), parfois scabreux (évidemment) et n’oublie pas cet esprit cabaret qui parsèmera sa carrière avec le fabuleux numéro de claquettes d’un Monstre couturé à la Boris Karloff et ce final en forme de pirouette tout à fait réjouissant.

C’est peu dire que Frankenstein Junior reste enocre aujoourd’hui un pur classique de la comédie américaine. Un joyau fondamental qui poussera d’autres scénaristes (Robert Zemeckis et Bob Gale) et réalisateurs dans cette voie difficile, équilibriste, du pastiche débridé. Du 1941 de Steven Spielberg (1979), aux Cadavres ne portent pas de costards (1982) et L’Homme aux deux cerveaux (1983) signés Carl Reiner/Steve Martin en passant par les films ZAZ (Y’a t’il un pilote dans l’avionTop Secret etc.), nombreux en seront les successeurs plus ou moins heureux. Et si Gene Wilder se fera de plus en plus discret jusqu’à tirer son ultime révérence en 2016, Mel Brooks poursuivra son chemin, à sa façon, entre productions risquées (Elephant Man de David Lynch, La Mouche de David Cronnenberg) et l’épuisement de son filon parodique avant de revenir à ses amours scéniques. Après l’adaptation triomphale des Producteurs, il redonnera vie à Frankenstein Junior sous forme de comédie musicale euphorique. Une réussite auréolée de trois nominations aux Tony Awards (oscars du théâtre américains). Intemporel !

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FRANKENSTEIN JUNIOR de MEL BROOKS

Frankenstein-Junior-de-Mel-Brooks-1974

Titre : Frankenstein Junior
Titre original : Young Frankenstein

Réalisé par : Mel Brooks
Avec : Gene Wilder, Peter Boyle, Marty Feldman, Madeline Kahn, Teri Garr…

Année de sortie : 1974
Durée : 101 minutes

Scénario : Gene Wilder & Mel Brooks
Montage : John C. Howard
Image : Gerald Hirschfeld
Musique : John Morris
Décors : Dale Hennesy

Nationalité : États-Unis
Genre : Fantastique / Comédie
Format : noir et blanc – 1,85:1 – stéréo – 35 mm

Synopsis : Peu fier de son ascendance, le Docteur Frederick Frankenstein accepte pourtant de retourner sur les terres de ses ancêtres. Rattrapé par la folie familiale, il décide de suivre les traces de son aïeul et de créer à son tour une créature à partir de cadavres, avec l’aide de son fidèle serviteur Igor. Malheureusement, chargé de trouver le cerveau d’un génie, ce dernier se trompe et rapporte à Frankenstein un cerveau anormal…

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