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Loving
4.3TOP 2017

L’histoire de Mildred et Richard Loving aurait pu être un conte de fée. Mais en 1958, les mariages « inter-raciaux » sont considérés comme dangereux pour la communauté et de fait, interdits par la loi. Le jeune couple sera arrêté et contraint à l’exil dans un autre état, pour 25 ans, sous peine d’aller en prison. Nous sommes en Virginie et pour la première fois le réalisateur Jeff Nichols s’éloigne de son Texas habituel pour traiter d’un fait divers bien réel qui bouleversera l’ordre établi et accessoirement réécrira quelques lignes de la constitution américaine. Mais ce qui intéresse le cinéaste n’est pas tant la finitude de l’intrigue que la grâce infinie qui unie le couple dans un torrent d’amour. Et de cette histoire, promise à l’impossible, Jeff Nichols puise à la source du fragile et de l’intense. Chargé d’une émotion contenue, pudique, Loving ne cesse de transmettre le frisson de l’injustice.

En prenant le sujet par le fil, ténue, de la délicatesse la plus extrême, Jeff Nichols confirme son talent de narrateur sur un scénario digne (basé sur le documentaire The Loving Story réalisé par Nancy Buirski pour HBO), limpide, sans pathos et une mise en scène d’une virtuosité toujours discrète. S’il s’agit probablement du film le plus classique de son auteur, il ne faut absolument pas le voir comme de l’académisme froid ou policé. Non, le cinéma de Jeff Nichols est parfaitement en phase avec son récit. Aussi habile dans la science-fiction (Midnight Special), le drame policier (Mud) ou le fantastique quotidien (Take Shelter), il poursuit ici son approche d’une humanité placée face à la nature, protectrice et lumineuse, au fil d’un récit qui ne s’amuse jamais à brouiller les pistes, ni à jouer du spectaculaire. Mais pour que l’édifice tienne, il fallait des comédiens au diapason. Joel Edgerton (Midnight Special, déjà) interprète un Richard Loving aux gestes pesés, taiseux notoire et taciturne dont chaque expression surpasse un monologue. En un regard, nous ressentons tout le désarrois de cet homme qui ne souhaite rien d’autre que vivre son histoire d’amour avec Mildred et la protéger. Cette dernière, femme forte, toujours debout face à l’adversité, mère courage, loyale, qui ne résout pas à baisser les bras, est campée par une Ruth Negga en équilibre sur la corde du sensible. Surtout, la façon dont ce couple joue de l’indicible ne confine jamais au sentimentalisme de pacotille. Et c’est là que Loving nous touche au cœur, comme Gry Villet, le photographe de Life (Michael Shannon, acteur fétiche de Jeff Nichols), qui captera cette vérité en quelques phrases, quelques instantannés.

Au-delà de son propos et de l’impeccable reconstitution historique, le couple d’acteur intériorise à ce point les émotions que nous approchons ici de la pureté absolue de l’acting. Chaque main qui se touche, chaque hésitation, chaque moment d’intimité illumine, sans artifice, la pellicule. En restant toujours à la bonne hauteur, Loving évite le spectaculaire inutile, la tension factice. Film totalement humaniste, nous suivons la quête de ce couple discret qui les entraînera au bouleversement des choses. En s’appuyant sur le sens du détail, le moindre geste, le moindre mot, en s’abstenant d’un verbiage parasite ou de scènes attendues (les “audiences” notamment), le cinéaste distille sa poésie. Le meilleur résumé de cette démarche minimaliste tient dans la réponse de Richard lorsque son avocat lui demande s’il peut transmettre un message au président de la Cour Suprême : « dites-lui que j’aime ma femme ». Tout simplement.

LOVING de JEFF NICHOLS

Loving - Jeff Nichols (2017)

Titre : Loving
Titre original : Loving

Réalisé par : Jeff Nichols
Avec : Joel Edgerton, Ruth Negga, Michael Shannon…

Année de sortie : 2016 (USA) /2017 (France)
Durée : 123 minutes

Scénario : Jeff Nichols
Montage : Julie Monroe
Image : Adam Stone
Musique : David Wingo
Décors : Chad Keith

Nationalité : États-Unis
Genre : Drame
Format : Couleur – 2.35.1

Synopsis : Mildred et Richard Loving s’aiment et décident de se marier. Rien de plus naturel – sauf qu’il est blanc et qu’elle est noire dans l’Amérique ségrégationniste de 1958. L’État de Virginie où les Loving ont décidé de s’installer les poursuit en justice : le couple est condamné à une peine de prison, avec suspension de la sentence à condition qu’il quitte l’État. Considérant qu’il s’agit d’une violation de leurs droits civiques, Richard et Mildred portent leur affaire devant les tribunaux. Ils iront jusqu’à la Cour Suprême qui, en 1967, casse la décision de la Virginie. Désormais, l’arrêt “Loving v. Virginia” symbolise le droit de s’aimer pour tous, sans aucune distinction d’origine…

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