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C’est en préparation de leur tournée européenne qui passera par Paris le 7 avril que nous avons eu la chance de nous entretenir avec Johan bassiste historique et Erik nouveau batteur de la formation culte Änglagård.

De quoi nous régaler !

Änglagård - Viljans Oga (2012)

Chronique de “Viljan Öga”

Bonjour , j’aimerais démarrer en revenant sur l’histoire du groupe. Vous avez été célèbres au début des années 90 avec 2 albums fantastiques, puis en 1994 vous avez pratiquement disparus pendant 20ans . Que s’est-il passé pendant ces années ?

Johan : La situation du groupe n’était plus tenable en 1994. Nous avons travaillé très dur et de manière intensive ces premières années et cela a générée à la fois des moments créatifs merveilleux et d’autres très difficiles pour les relations au sein du groupe. Nous avons donc décidé de faire un dernier album studio (ndr : Epilog, 1994) et un dernier concert, Prog Fest 94 aux États-Unis. Après cela, il est devenu essentiel que nous fassions une grande pause. Nous avons fait plein d’autres choses importantes mais qui appartiennent à la vie en général. Mais la musique a toujours été là, en toile de fond pendant ces longues années, Änglagård était en sommeil pendant ces périodes de nos vies.

Etes-vous conscient d’être devenu une référence , un modèle pour de nombreux groupes scandinaves ?

Johan : Quand nous avons démarré le groupe en 1991, la scène progressive était quasiment morte. Nous étions quelques groupes de progressif en Suède à lutter à cette période. Mais nous avons toujours fait ce que nous aimions, notre musique, sans aucun compromis. Si ce résultat et notre musique ont inspiré d’autres groupes, c’est un effet de ricochet très sympa.

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Vos compositions sont essentiellement instrumentales avec quelques titres chantés en suédois, ce qui est difficile à comprendre pour nous. Quels sont les thèmes de vos morceaux ?

Johan : Les textes de notre premier album (ndr : Hybris, 1992) parlent du monde contemporain dans lequel nous vivons avec son stress, ses demandes, ses doses de tromperie et de souffrance. Les autres albums sont entièrement instrumentaux. Nous avions aussi choisi d’écrire en suédois car les groupes de rock progressifs suédois des années 70 ont été une grande source d’inspiration pour nous. Nous voulions leur rendre hommage.

Vous mélangez les instruments classique du rock avec des instruments à vents, des cordes, du mellotron, quelle est la bonne recette pour que la sauce prenne avec un tel instrumentarium ?

Johan : C’est vraiment une question très difficile. Je pense que ça se produit de manière inconsciente lorsque nous mixons notre palette de sons. Bien-sûr, parallèlement, nous avons aussi toujours eu au sein du groupe beaucoup de discussions sur comment nous devions sonner, enregistrer ou mixer notre musique.

Tout le monde dans le groupe veut donner son avis et… c’est ce qui donne le résultat final. Des discussions intéressantes, mais parfois un peu dingues !

« Ce qui rend Änglagård unique est que chaque membre du groupe a sa propre manière d’écrire sa musique, sa propre sensibilité et en au final sa propre manière de mixer ces différents éléments. C’est ce qui rend le son Änglagård si spécial. »

Votre musique est à la fois complexe, parfois difficile et en même temps chargée d’émotions, touchante. Comment arrivez-vous a ce résultat lors des sessions d’écriture ? est-ce difficile à retranscrire sur scène ?

Johan : Il n’y a pas d’idées très claires au démarrage du processus d’écriture de nos chansons. Chacun d’entre nous arrive avec ses idées et des bribes de musiques que nous assemblons et arrangeons en de plus longues compositions. Le gros du travail est d’assembler ces différentes pièces musicales dans un ordre logique, qui soit harmonieux. C’est important d’isoler, d’identifier les bonnes émotions qu’on peut avoir au travers de ces thèmes différents et de les arranger de manière à ce qu’ils s’emboitent parfaitement, qu’ils sonnent ensemble. Ce qui rend Änglagård unique est que chaque membre du groupe a sa propre manière d’écrire sa musique, sa propre sensibilité et en au final sa propre manière de mixer ces différents éléments. C’est ce qui rend le son Änglagård si spécial. C’est difficile et stimulant de jouer cette musique live, en particulier de pouvoir rendre parfaitement toutes les nuances qu’elle comporte. Il faut beaucoup de concentration, tant mentale que physique. C’est vraiment la clé d’une bonne performance. En particulier, pas d’alcool avant le show est la règle principale du groupe. Dans le passé, nous devions énormément répéter, mais aujourd’hui ce n’est plus autant nécessaire, la musique est gravée dans notre esprit et notre mémoire.

Erik : De mon côté, c’est vraiment le type de musique que j’aime et que je veux jouer. Lorsque je joue live, je tiens à exprimer beaucoup de sentiments, d’ambiances, de nuances, d’humeurs pendant un concert. C’est vraiment l’idéal que je recherche plutôt que de jouer, par exemple, un set de chansons pop standardisées et de sortir de scène sans avoir même eu le sentiment  que le concert avait commencé, tu vois ? tu ne rentres pas de la même manière dans la musique. Généralement j’essaie vraiment d’être très concentré quand je joue. Et j’aime aussi entendre les autres musiciens faire de même lorsqu’ils sont sur scène. Ca fait maintenant quelques années que je joue du rock progressif ou symphonique, du jazz ou de la musique improvisée, avec les Flower Kings, Brighteye Brison ou Katzen Kapell par exemple, du coup pour moi ce n’est pas une nouveauté de jouer des morceaux longs et complexes. De plus c’est toujours un immense plaisir et également un privilège pour nous Änglagård de pouvoir voyager autour du monde, de jouer la musique que nous aimons et de voir que le public est également associé à tout ça et rentre dans notre univers.

« Pour notre prochain disque, nous allons plutôt enregistrer “live in the studio”. Je pense que c’est une nouvelle expérience à cultiver : dans une période de temps plus courte, enregistrer tous ensemble, en même temps, sous le même toit. »

Avez-vous besoin d’un public particulièrement réceptif ou pouvez-vous jouer n’importe où devant n’importe qui ?

Johan : La musique d’Änglagård est plutôt destinée aux petites et moyennes salles, préférablement avec des sièges pour le public car nos concerts durent souvent bien plus de deux heures. Notre musique étant très variée et dynamique, il est aussi important d’avoir une bonne acoustique dans la salle et un bon son, une bonne régie afin que la musique rende toutes ses nuances et que le public retrouve toute la richesse. Il nous est bien-sûr aussi arrivé de jouer toutes sortes de concerts, voire des festivals. Nous sommes toujours curieux de toucher un nouveau public, du coup nous essayons également de jouer dans des endroits où nous ne nous sommes jamais rendus, et cela peut parfois être des scènes peu évidentes pour du rock progressif.

Erik : Bien sûr, c’est l’idéal lorsque le public est réceptif et nous connait. Mais je trouve également très stimulant d’essayer de conquérir un public qui ne nous connait pas et qui n’est pas habitué à notre style de musique. Il arrive qu’on reçoive une réaction très forte et que le public soit très ému par notre musique et notre interprétation. Ça me rend très heureux lorsque ça se produit, je pense que nos concerts sont vraiment une expérience à part. Il y a toujours quelque chose qui se passe sur scène, si vous y prêtez attention. Même pour le public qui n’est pas le profil typique du ‘hardcore fan’ de prog, il y a quelque chose de fort à vivre lors d’un concert d’ Änglagård.

Comment qualifieriez-vous le public européen, en particulier français en regard des autres publics que vous avez pu croiser, japonais en particulier ?

Johan : Nous avons enregistré le nouvel album live, Prog på Svenska, au japon en 2013, avec le nouveau line-up. Cela a été une expérience et un voyage incroyable. Le public japonais est assez prudent, circonspect et par exemple applaudi avec un synchronisme qui fait presque froid dans le dos. Ils démarrent et s’arrêtent tous exactement en même temps. Le public européen est au contraire plus extraverti. Ensuite tous les fan d’Änglagård nous supportent d’une façon formidable. Nous avons une base stable qui nous assure des ventes régulières ce qui est crucial pour nous et nous permettre de continuer à enregistrer et à tourner.

Le public français est toujours super ! Nous avons vendu pas mal de disques ici au fil des années, du coup nous espérons que beaucoup de monde sera au Triton le 7 avril pour vivre notre musique avec nous.

Erik : Les publics les plus enthousiastes pour moi sont les japonais, mexicains ou italiens. En Suède, les gens restent au bar avec leur bière en main et essayent de ne pas montrer lorsqu’ils sont impressionnés par ce qu’ils entendent ou voient (peu importe d’ailleurs qui joue), pour les gens qui se déplacent au concert… je n’ai pas encore joué en France, mais il y a pas mal de bonne musique qui vient de France. Je crois qu’il y a ici un intérêt bien plus grand pour la musique live que, par exemple, en Suède et du coup j’ai beaucoup d’attente !

Pouvez-vous décrire le processus d’écriture de Viljans Öga, sorti en 2012. ? Qui a travaillé dur quoi ? et comment ?

Johan : En fait deux des quatre titres sont assez anciens. “Sorgmantel” et “Längtans klocka” datent de 2002 et ont été retravaillés à partir de 2008. Jonas (Jonas Engdegård, ancien guitariste) et moi nous sommes vus régulièrement, quasiment toutes les semaines entre 2008 et 2009 pour travailler sur les fondations de ce qui allait devenir Viljans Öga. Anna (Holmgren, flûte et saxophone) et Thomas (Johnson, ancien claviériste) ont également été impliqués assez tôt dans le processus d’écriture. Du coup nous avions dès cette période des démos assez précises des quatre morceaux, avant même que nous passions en phase de répétitions avec notre précédent batteur Mattias Olsson. Les morceaux de Viljans Öga ont ensuite évolué à partir de thèmes courts que nous avons travaillés ensemble. Je pense aussi que nous avons essayé d’avoir un état d’esprit un peu différent lors des sessions d’écriture. Nous avons essayé d’avoir plus de thèmes récurrents qui reviennent sous des formes légèrement différentes de manière à créer un fil rouge au sein de chaque composition. Ça maintient aussi une cohérence globale dans ces morceaux. Nous avons choisi, pour de nombreuses circonstances d’enregistrer Viljans Öga sur une période assez longue et en passant par de nombreux studios différents. Cela a été un processus long et douloureux, qu’on a finalement réussi à mener à bien. Aujourd’hui nous sommes très satisfaits du résultat. A contrario, pour notre prochain disque, nous allons plutôt enregistrer ‘live in the studio’. Je pense que c’est une nouvelle expérience à cultiver : dans une période de temps plus courte, enregistrer tous ensemble, en même temps, sous le même toit.

« Il vaut mieux prendre son temps, sortir peu d’albums et les peaufiner pour les rendre intemporels… »

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Que s’est-il passé après l’enregistrement ? Le groupe a de nouveau changé ?

Johan : Après l’enregistrement de Viljans Öga en 2012, nous avons donné quelques concerts, avec en particulier le NearFest 2012 aux USA. Anna et moi voulions continuer avec le groupe après cette tournée, Jonas voulait faire un break, pour des raisons personnelles nous ne pouvions plus travailler avec notre batteur Mattias Olsson, Thomas Johnson était trop pris par son ‘vrai’ métier pour avoir vraiment le temps de s’impliquer dans le groupe… du coup nous avions besoin de changement. Notre guitariste originel Tord Lindman est revenue et nous avons accueilli deux nouveaux membres,  Linus Kåse aux claviers et Erik Hammarström à la batterie. En 2015, Jonas Engdegård est également revenu à la deuxième guitare et nous sommes donc de nouveau 6 comme à nos débuts, dans les années 90. Nous n’avons je pense jamais aussi bien sonné qu’aujourd’hui ! Si vous voulez entendre Änglagård live avec une nouvelle énergie et un son puissant, c’est vraiment le moment !

Vous tournez finalement peu. Est-ce par choix ? Par nécessité ? À cause de la logistique importante liée à vos instruments ?

Johan : La tournée que nous démarrons en avril est la plus importante que nous ayons jamais faite. Ensuite je voudrais dire que nous avons été plutôt bons en tournée récemment. Nous essayons en particulier d’avoir autant de mellotrons qu’il est possible d’avoir sur scène de nos jours. La dernière fois que nous avons eu trois mellotrons 400M sur scène, c’était au Baja Prog en 2013. C’est une vraie aventure de jouer avec ces instruments, ils sont animés d’une vie propre… c’est leur charme.

En parlant de tournée, nous allons avoir la chance de vous avoir sur une scène parisienne en avril. Que pouvons-nous espérer de ce concert ?

Johan : Nous avons déjà joué en France, mais jamais à Paris. Du coup nous sommes très heureux de pouvoir jouer au Triton. Vous pouvez espérer un show d’au moins deux heures avec des morceaux de tous nos albums studios… ainsi que quelques surprises. Nous emmenons également pas mal de merchandising sur la tournée pour que nos fans puissent acheter pas mal de choses directement et pas trop cher.

Vous avez récemment partagé la scène avec Crimson ProjeKCt. Quelle expérience en avez-vous tiré ?

Johan : C’était super de jouer avec eux, ce sont des gens adorables. Nous avons des styles assez différents, cela a donné au public des shows également différents… mais bien sûr c’était fantastique de jouer ces trois soirs avec eux.

Erik : La meilleure chose avec ce double concert est que cela à permis au public de découvrir deux groupes différents, avec un style, une expression musicale différente… ça a rendu la soirée très intense à chaque fois. Je pense aussi que beaucoup de fans de King Crimson nous ont découverts avec l’enregistrement du live au japon… peut-être qu’ils ne nous connaissaient pas avant.

Viljans Öga a maintenant plus de deux ans. Avez-vous des nouveaux morceaux et en aurons-nous la primeur lors de cette tournée ?

Johan : Nous avons commencé à écrire pour un nouvel album studio, mais nous n’aimons pas planifier nos phases d’écriture. Cela prendra le temps que cela doit prendre… il vaut mieux prendre son temps, sortir peu d’albums et les peaufiner pour les rendre intemporels…

Pouvons-nous espérer plus de tournées de votre part ?

Johan : L’avenir le dira …

Merci pour cet entretien

Propos recueillis en mars 2015
Photos : Ketil Hardy
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