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Captives
4.3TOP 2014

Le réalisateur canadien Atom Egoyan retrouve les immensités d’un décor neigeux et glacial rappelant De beaux lendemains , mais  Captives , thriller sophistiqué, évoque avant tout pour moi l’envoûtant  Exotica  de 1994 qui valut à son auteur d’être enfin remarqué, alors qu’il s’agissait déjà de son 6è (très bon) film depuis 1984.

On reconnait avec bonheur dans ce dernier, le savoir faire, le style singulier, et les obsessions significatives de leur auteur.

Cette appellation “thriller esthétique” me semble d’ailleurs être propre à qualifier la quasi-totalité de l’oeuvre cinématographique d’Atom Egoyan. “Thriller”, parce qu’il utilise la tension narrative pour provoquer chez le spectateur une excitation ou une appréhension, et le tenir en haleine jusqu’au dénouement de son intrigue. “Sophistiqué”, parce que tourmenté par des motifs humains qui vont bien au-delà d’une enquête criminelle pure et simple ; et parce qu’utilisant des procédés narratifs complexes.

Je laisse Atom Egoyan s’exprimer lui-même à ce sujet : Quand je fais des films comme Exotica ou Captives, je sais que si je parviens à séduire le spectateur à travers le début d’une intrigue ou à travers un acteur ou un personnage, il est alors possible de l’entraîner dans un voyage extraordinaire. En jouant avec ses attentes, en lui donnant des informations qui stimulent son imagination. Mon film va vous raconter une histoire, mais si, pendant l’heure et demie que cela dure, vous avez la possibilité d’imaginer d’autres choses, c’est très excitant, très divertissant. La curiosité du spectateur, sa capacité à participer directement à la construction de l’histoire, c’est un des aspects les plus stimulants du cinéma.

 “8 ans après” Ou comment négocier le traumatisme avec le temps ?

Cassandra, fillette de 9 ans, prodige de patinage artistique, enfant unique adulée de ses parents, est enlevée dans la voiture de son père garée sur un parking.

8 ans plus tard, elle demeure introuvable, et aucun indice ne permet d’espérer la résolution du mystère de son enlèvement. 2 couples éreintés par ces années de recherches vaines n’ont cependant pas renoncé : d’un coté, le couple parental brisé n’ose plus se regarder en face, le père s’appropriant la culpabilité que sa femme ne peut s’empêcher de lui faire porter en lui rappelant constamment l’instant où il a failli en tant que père; de l’autre, le couple des enquêteurs, constitué durant ces années de traque stérile, sur la base d’un traumatisme ancien dont les zones d’ombre sont ravivées par cette sordide affaire.

8 ans après, l’enquête a désormais perdu tout caractère d’urgence, elle est devenue le train-train quotidien systématique et obsessionnel d’un père mort-vivant, tandis que rien ne parvient à apaiser la mère en constante révolte.

Elle est d’autant moins impérieuse, cette enquête, que nous sommes, dès le début du film, affranchis de la crainte du devenir de Cassandra. Elle est en vie, Cassandra, recluse, mais “8 ans après” elle est devenue une belle jeune fille qui forme, avec Mika son ravisseur, le 3è – étrange et dérangeant – couple du film. Emmurée dans une cave d’hôtel aménagée en chambre d’ado, elle n’est pas complètement coupée du monde extérieur, elle a accès, par l’intermédiaire d’un écran de vidéo-surveillance à des instants dérobés à la vie des autres, la vie de sa mère tout particulièrement, dont elle peut observer la souffrance cyniquement instrumentalisée et réactivée par des mises en scènes sadiques de son ravisseur. Et l’on retrouve alors une autre obsession du cinéaste, celle de l’utilisation perverse des images, du voyeurisme, et la hantise d’être constamment observé.

Pour nous, spectateurs toujours fortement impliqués par Atom Egoyan, l’enquête se déroule dans l’univers ouaté et engourdi, cocon de douleur, de deuil impossible, qui est une des caractéristiques de son œuvre. Car Atom Egoyan a le don rare (à l’instar de David Lynch) de provoquer chez le spectateur un double ressenti théoriquement incompatible : il sait stimuler l’impatience, la fébrilité du spectateur à résoudre l’énigme policière posée, tout en l’engourdissant dans une sorte de béatitude, de fascination hypnotique, de langueur extrêmement confortable.

Le tempo du film est solennel, feutré, comme étouffé par cette épaisse couche de neige qui tombe indéfiniment, camouflant toute trace. Sa construction est arythmique au début ; les repères spatio-temporels sont brouillés ; chaque personnage est présenté individuellement sans qu’il soit possible de connaître immédiatement le lien qui les relie ; chaque séquence constitue un morceau du puzzle – figure de style typique d’A. Egoyan – qu’il nous faut reconstruire.

« A vous de jouer ! » semble-t-il nous signifier, tout en nous tendant subtilement un fil d’Ariane pour ne pas nous perdre dans le dédale labyrinthique du voyage auquel il nous convie. Alors ne nous quitte plus le désir haletant de libérer cette captive. Oui mais Captives, n’est pas exactement captive, et pour en libérer une… Enfin, je n’en dirai pas d’avantage, c’est à vous de voir !

CAPTIVES de ATOM EGOYAN

Captives de Atom Egoyan (2015)

Titre : Captives
Titre original :The captive

Réalisé par: Atom Egoyan
Avec : Ryan Reynolds, Rosario Dawson, Bruce Greenwood, Mireille Enos, Scott Speedman…

Année de sortie : 2014
Durée : 112 minutes

Scénario : Atom Egoyan, David Fraser
Nationalité : Canada
Synopsis : Huit ans après la disparition de Cassandra, quelques indices troublants semblent indiquer qu’elle est toujours en vie. La Police, ses parents et Cassandra elle-même, vont essayer d’élucider le mystère de sa disparition.

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