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L'aurore
5.0Chef-d'œuvre

Une femme. Un homme. Une ville. Une ferme. Sans plus caractériser les choses, Friedrich Wilhelm Murnau raconte cette banalité de la vie, ces instincts primitifs et fait confiance en son talent afin de sortir du générique pour tremper un peu plus que l’orteil dans l’universel. Premier film américain du réalisateur de Nosferatu et du Dernier des Hommes, L’Aurore est produit par William Fox qui souhaite alors “faire un film infiniment cultivé, symbolique, bref tout à fait européen“. Il démontre surtout qu’un script simple (mais pas simpliste), basé sur des éléments classiques et une dramaturgie sans véritable surprise, peut se voir magnifier par une mise en forme qui touche au génie, une inspiration caressée par un formaliste exceptionnel. Une symphonie des sentiments (le sous-titre est d’ailleurs “Un chant à propos de deux êtres“) que le cinéaste a pu faire aboutir avec tous les moyens imaginables et une liberté totale. S’il atteint la lumière, c’est aussi par sa seule volonté de ne pas terminer l’histoire comme la nouvelle originelle et tragique de Hermann Sudermann adaptée par Carl Meyer (déjà auteur du Dernier des Hommes).

Avec son découpage en quatre partie distinctes (quatre mouvements pourrait-on dire), Murnau jouait avec les lignes dramatiques habituelles. Habillé de l’expressionnisme allemand dont il était l’un des étendards avec Fritz Lang, L’Aurore exploite les capacités d’un studio à jouer de l’opposition des ambiances pour mieux souligner les sentiments qui envahissent les personnages : la fameuse dialectique du bien et du mal qui se confronte à même le cadre. Pourtant, le style de Murnau se détache sensiblement de celui de Lang bien plus porté sur la division géométrique des choses comme dans Metropolis sorti la même année. Ici, le réalisateur fascine par son goût du mélange. La lune dans l’étang, l’utilisation du flou, de dissolutions avec l’élément eau, au cœur du film, l’emploi du grand angle, de la profondeur de champ, et notamment lors de cette séquence où le mari, symbole du mal, se réveille convaincu de devoir assassiner sa femme alors que l’on aperçoit celle-ci, angélique, dans le champ, en arrière plan. Le traitement visuel de l’opposition morale qui se joue est limpide. Même le dernier lever de soleil, truqué, peut conduire à interprétations. Sur l’avenir du réalisateur. Du cinéma muet dans sa globalité. Le soleil brille mais est-ce illusoire ? Annonce-t-il le crépuscule à venir ?

 

« L’Aurore est le plus beau film du monde » François Truffaut

 

Pour élever au-delà du raisonnable l’histoire de cette femme de la ville qui séduit un fermier et le convainc de tuer son épouse, il fallait du talent. Beaucoup. Infiniment. Et L’Aurore réussit son pari sur tous les tableaux. Conséquence de cet amoncellement de grandes choses, le film obtiendra trois Oscars lors de leur première cérémonie (la seule non diffusée et qui dura une quinzaine de minutes) en 1929 : meilleure valeur artistique (une catégorie qui ne sera jamais réutilisée par la suite), meilleur actrice (Janet Gaynor, avec trois productions parallèles) et meilleure photographie (Charles Rosher et Karl Struss) pour récompenser les jeux d’ombres et de lumières portant au sommet la marque expressionniste de Murnau. Après cette réussite artistique majeure (dont les négatifs originaux furent perdus lors d’un incendie en 1937), véritable apothéose du cinéma muet sortira deux semaines après le premier film parlant Le Chanteur de Jazz avec un succès public au mieux mitigé malgré le système (et futur standard) novateur Movietone qui permettait de placer une musique sur la pellicule. Et comme souvent, cet échec sans appel n’empêchera pourtant pas un remake parfaitement oubliable, Le Voyage à Tilsit (Die Reise nach Tilsit) signé de l’allemand Veit Harlan (1939). Business is business.

Quoi qu’il en soit, Friedrich Wilhelm Murnau, de son côté, ne réussira plus à toucher le sublime du doigt, freiné par l’implication de plus en plus étouffante de William Fox dans ses œuvres comme les ajouts de séquences parlantes dans L’Intruse (1930). Réalisateur devenu maudit, son film Tabou (1933) s’achèvera dans la nuit, noire et meurtrière annonciatrice de son propre destin funeste après un tournage entouré de légendes et de mystères. Mais ceci est une autre histoire

L’AURORE de FRIEDRICH WILHELM MURNAU

Sunrise - Murnau (1927)

Titre : L’aurore
Titre original : Sunrise

Réalisé par : Friedrich Wilhelm Murnau
Avec : Janet Gaynor, George O’Brien, Margaret Livingston…

Année de sortie : 1927
Durée : 95 minutes

Scénario : Carl Mayer d’après A Trip to Tilsitt (Histoires lituaniennes) de Hermann Sudermann
Image :  Charles Rosher et Karl Struss
Décors : Rochus Gliese

Nationalité : Allemagne
Genre : Fantastique
Format : Noir et blanc – film muet

Synopsis : Un pêcheur s’éprend d’une citadine aux allures de vamp. Sous l’influence de celle-ci, il décide de noyer son épouse, mais change d’avis une fois sur la barque. Effrayée, la femme fuit en ville. Elle est bientôt rejointe par son mari, désireux de se faire pardonner…

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