bannière www.bdelanls.fr - Création et refonte de site internet
Mike Oldfield - Amarok
5.0Chef-d'œuvre

Quand même, quelle étrange bestiole le phoenix ! 1989. Quelques mois après le (très) déceptif Earth Moving, florilège de titres chantés programmés pour un plantage en règle, Mike Oldfield, alors âgé de 36 ans, n’a plus le mojo. Poussé dans le tobogan et en pleine descente, il envoie valdinguer les envies de grandeur du label Virgin. Richard Branson dans le viseur. Le guitariste doute mais regarde dans le rétroviseur et souhaite pour son treizième album studio s’attaquer malgré tout à une nouvelle pièce instrumentale. Format long. Façon grande époque. Il imagine alors Amarok (traduire « loup » en inuit, « joyeux » en gaélique et phonétiquement « I’m a Rock ») comme un accessit vers le cœur des fans de la première heure, et plus encore, une suite inavouée du monumental Ommadawn (1975). Branson et sa barbe impeccablement taillée, flaire le bon coup. La truffe en l’air et l’instinct marketing en érection, pourquoi ne pas nommer la bête… Tubular Bells 2 ? Rien de logique là-dedans, les fameuses cloches n’ayant pas grand-chose à voir avec le concept, mais au-delà du symbolique, on en revient au terre-à-terre très très bas de plafond. Tubular Bells avait ouvert les voies royales de Virgin pour le lancement du label, et surtout pour la fortune dudit Branson avec 16 millions d’exemplaires vendus ce qui donnaient autant de raisons suffisantes pour lui trouver ne serait-ce qu’un argument à vendre la chose comme telle. Et puis, plus grand monde n’attendait grand-chose de Mike Oldfield et asseoir ce nouveau projet sur la renommée de son album séminal était un excellent coup de pub. A quitte ou double, mieux valait jouer le tapis sur la marque de fabrique la plus commerciale du zig.

Evidemment, Mike Oldfield ne l’entendait pourtant pas de cette oreille, ni de l’autre, qu’il a pourtant fort musicale. Il refuse l’idée. L’album sera original, démarqué. Dissensions, discussions, engueulades, tensions, divorce. La lutte avec Virgin atteint son paroxysme et le rejeton de cette union contre nature s’avèrera fatalement à contre-courant des modes MTV et autres musiques prêtes-à-écouter. Ce n’est plus l’adopté de l’Exorciste mais le bébé de Rosemary qui s’impose en véritable cauchemar incarné pour les vendeurs de comptoirs. Amarok et son unique morceau étalé sur plus d’une heure, avec des thèmes qui s’enchaînent bien trop vite pour en tirer le squelette d’un single potable, la moindre babiole exploitable en radio, laisse le label sur le carreau. La bête est sauvage. Indomptable.

La pochette (qui rappelle vaguement celle de Ommadawn) prévient l’auditeur de bien faire attention à ses oreilles, le compositeur n’hésitant pas à jouer du volumètre à sa guise à grand renforts de scare jumps soniques. Car tout cela n’aurait pas le même appareillage s’il ne suivait la progression dramatique d’un court livret d’aventure écrit par William Murray. En suivant sa trame, Mike Oldfield recompose un monde qui peinturlure son spectre musical. Après sept mois d’enregistrement dans son studio du Buckinghamshire, le finger-picking introductif travaille aux racines, cheville au corps, autour d’une partition espiègle qui réanime l’alchimie d’antan : gimmicks addictifs, incursions dissonantes, lyrisme débordant, rythmes endiablés, cassures surprenantes. Le tout, comme une évidence, un flot naturel, qu’il a lui-même brodé, arrangé et produit avec une maniaquerie toute personnelle. À la conquête d’un passé (re)composé, Amarok est à la fois troublant, euphorisant et pour tout dire captivant. Un barda de greffes audacieuses qui naviguent aux instruments (une soixantaine) joués par un homme orchestre qui n’abandonne au passage que la flûte, les chœurs et les percussions à ses comparses de Jabula, Clodagh Simmons, Bridget St John et Paddy Moloney… déjà présents sur Ommadawn. Décidément ! Et s’il délaisse les synthétiseurs superflus (utilisés avec une extrême parcimonie), Mike Oldfield signe son retour chez les vivants et s’élève à un niveau où l’air se raréfie.

Produit par Tom Newman, de retour après du compositeur après l’aventure de Tubular Bells, l’album déploie une invention constante où se baladent rock baroque, folklorique et tribal ; le charme envoûte immédiatement. La petite histoire retiendra également une savoureuse imitation de Margaret Thatcher par Janet Brown et un passage en morse que l’on traduira par un impeccable « F.U.C.K. O.F.F. R.B. » à l’attention de qui vous savez. Un doigt tendu bien haut vers ses futurs fossoyeurs.

Conséquence directe, ces derniers laveront l’affront d’un coup de serpillère, brossant en bons nervis le sourire ultra bright de leur général bafoué. Une campagne promotionnelle inexistante tuera dans l’œuf tout espoir d’exploitation. L’échec commercial sera sans appel. Œuvre singulière au-delà de la catharsis, Amarok relève pourtant de l’expérience. L’échec encaissé, Mike Oldfield achèvera son contrat en recyclant quelques fonds de tiroir (Heaven’s Open)  et s’attèlera en douce et pour de bon cette fois à la suite de Tubular Bells… la réservant à son futur label, Warner. Cadeau de mariage. Autre histoire. Avec le temps, Amarok surnagera et deviendra le grand œuvre culte du compositeur. Une coupe pleine, prête à déborder, dont on peut toujours boire le calice jusqu’à l’hallali.

MIKE OLDFIELD – AMAROK

Mike Oldfield - Amarok (1990)

Titre : Amarok
Artiste : Mike Oldfield

Date de sortie : 1990
Pays : Angleterre
Durée : 60’04
Label : Virgin

Setlist

1. Amarok (60:04)

Line-up

– Mike Oldfield / acoustic, classical, electric, Flamenco, sitar, bowed & clorfindel guitars, bouzouki, bass, mandoline, ukelele, banjo, acoustic & electric pianos, organs, sound f/x, marimba, glockenspiel, clay drums, bodhran, triangle, finger cymbals, Northumbrian bagpipes,
tambourine, bell tree, sticks, melodica, psaltry, Jews harp, spinet, whistles, spoons, Pan pipes, violin, cabasa, bongos, bass drums, tympani, kalimba, synthesizers, tubular bells
+ Julian Bahula / African drums arrangements
– Janet Brown / vocals
– Paddy Maloney / Uillean pipes
– Bridget St.John / vocals
– Clodagh Simmonds / vocals

[bsf-info-box icon_type=”selector” icon=”Defaults-zoom-in” img_width=”48″ icon_size=”32″ icon_color=”#333333″ icon_style=”none” icon_color_bg=”#ffffff” icon_color_border=”#333333″ icon_border_size=”1″ icon_border_radius=”500″ icon_border_spacing=”50″ title=”Discographie complète de Mike Oldfield sur AmarokProg.net” read_more=”title” link=”url:http%3A%2F%2Fwww.amarokprog.net%2Fgroupes_10000.html||target:%20_blank” read_text=”Read More” hover_effect=”style_2″ pos=”default”]
Votre avis