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Yes - The Quest
4.0Note Finale

Des quelques figures de proue légendaires qui ont le mieux personnifié le rock progressif des années 70, YES en est l’émanation la plus symphonique, la plus technique et très certainement la plus mystique grâce notamment, en son temps, aux textes de Jon Anderson. Comme nombre de ses contemporains, les décennies ont vu le groupe se réinventer au rythme des changements de line-up, bien souvent avec succès, que ce soit avec l’album Drama, grâce à l’input du duo Trevor Horn / Geoff Downes ou, plus tard, avec 90125 grâce à l’inestimable apport de Trevor Rabin. Et l’on ne compte plus les multiples aller-retours de ses membres, le groupe parvenant même à réunir la majeure partie des musiciens de YES, actuels et anciens, sur l’album Union et pour la tournée qui s’ensuivit. Enfin, toutes ces années ont également vu naître des formations parallèles ou dissidentes qui perpétuèrent, à leur manière, l’héritage du groupe comme ce fut le cas avec ABWH (Anderson Bruford Wakeman Howe) ou plus récemment avec AWR (Anderson Wakeman Rabin) et ce, même si cette dernière initiative ne s’est pas concrétisée par un effort studio. Dans les années 2000, YES se sépara de son chanteur emblématique Jon Anderson ainsi que de Oliver Wakeman pour inaugurer un nouveau line-up réintégrant en ses rangs le claviériste Geoff Downes. Deux albums virent le jour (Fly from here et Heaven and Earth), privilégiant à dessein une orientation musicale quelque peu différente, à savoir un rock progressif toujours aussi mélodique mais moins alambiqué, flirtant parfois avec la pop-rock et donc naturellement plus accessible.

The Quest, s’il est le vingt-deuxième album studio de YES (tout de même!), est aussi le premier album sur lequel ne figure pas le bassiste Chris Squire, figure tutélaire et dernier membre de la formation originelle, décédé en 2015.  Et c’est sans doute pour faire face à ce vide sidéral que Steve Howe a repris les rênes du groupe. Il est crédité non seulement à la production de l’album (pour la première fois dans l’histoire de YES , une responsabilité dont il s’acquitte au demeurant avec succès) mais également à l’écriture d’une grande partie des compositions de l’album. Ce qui explique sans doute la place plus prépondérante accordée à la guitare sur cet album qui prolonge, avec plus d’inventivité et sans se répéter, l’approche déployée sur les deux précédents LPs, dans le format comme dans l’esprit. Si Steve Howe est très prolixe sur cet album, il est aussi particulièrement inspiré (bien plus que sur Heaven and Earth), nous gratifiant de très belles partitions comme de remarquables soli. Jon Davison qui, parmi les multiples instruments maîtrisés, est également guitariste, contribue également fortement à l’album, renforçant peut-être ainsi l’orientation guitare. Geoff Downes semble avoir, en revanche, moins participé à l’écriture des morceaux. Un regret au regard de sa contribution aux albums Drama ou Fly from here et de ses immenses talents de songwriter sur d’autres projets tels que ASIA ou Downes Braide Association. Enfin, Billy Sherwood, adoubé au préalable par Chris, fait ici honneur à son mentor en reproduisant ces tonalités si singulières à YES, sa longue collaboration avec Alan White garantissant une rythmique solide sur ce nouvel album.

YES nous convie au travers de cet album à une quête de sens à l’aune des défis de notre temps, parmi lesquels le dérèglement climatique (« The ice bridge »), les enjeux de l’intelligence artificielle (« Minus the man »), la préservation de la nature dans son état premier (« A living island ») ou encore l’impérieuse nécessité de raisonner globalement et non individuellement (« The western edge »). On pourrait reprocher au groupe de traiter ces sujets de manière parfois superficielle mais cette volonté d’éveiller les consciences, pour réinventer des lendemains plus prometteurs, demeure plus qu’honorable. Et cette quête fondamentale est une fois de plus magnifiquement illustrée sur la pochette de l’album par le maître Roger Dean qui, au travers de cette profondeur de champ, souligne la vastitude des enjeux tout en affichant une profonde note d’espoir avec ce camaïeu de bleus, « couleur céleste par essence » pour reprendre les mots de Kandinsky.

Et derrière cet artwork très réussi, le groupe renoue avec une réelle qualité d’écriture et nous délivre quelques magnifiques titres. En premier lieu l’intense « The ice bridge », morceau de bravoure , progressif par excellence, qui ouvre l’album de manière très dynamique sur des claviers majestueux, un son de basse dans la grande tradition du groupe et dont la partie instrumentale (troisième section « Interaction ») constitue indéniablement le point d’orgue. La guitare très volubile de Steve Howe et les claviers de Geoff Downes s’y répondent à merveille et brillent dans un duel de haute volée.  Quant à Jon Davison, il fait montre de très belles intonations, en témoigne le passage « He has seen, Snowflower Elder, He has walked forest green, All eyes to the East”.  Nous ne reviendrons pas sur la polémique de droits d’auteur créée autour de ce morceau, au sujet de laquelle Geoff Downes s’est depuis expliqué, y mettant fin en créditant Francis Monkman.

Dans un style profondément différent et plus éthéré, « Music to my ears » est autant une célébration qu’un rêve éveillé que l’on voudrait prolonger ad infinitum. Et si l’on parle souvent de paradis perdu, c’est à contrario un sentiment prégnant de paradis retrouvé qui nous enveloppe ici avec ce morceau tout en harmonies magnifié par la guitare de Steve Howe. Les incursions des claviers sont plus discrètes, renforçant la sensation de légèreté comme de délicatesse. Geoff Downes, qui s’est toujours différencié de Rick Wakeman par une approche permettant somme toute d’aérer la musique du groupe, explique d’ailleurs avoir volontairement souhaité revenir dans cet album aux sonorités présentes sur les tout premiers albums du groupe « J’ai toujours été un grand fan de Tony Kaye (NDLR : le premier claviériste de YES), notamment la manière dont il jouait de l’orgue Hammond. Ces instruments plus classiques que sont l’orgue Hammond et le piano sont vraiment mis en avant sur cet album » 

Avec les 8 minutes de « Leave well alone », YES retrouve plus que jamais les sonorités qui ont fait son heure de gloire au travers d’une composition foncièrement progressive, allant même jusqu’à, parfois, évoquer l’influence de la scène de Canterbury. Le texte de la première section (« Across the border ») semblerait presque avoir été dicté par Jon Anderson. Et le final très solaire (« Wheels ») sur lequel brille une fois de plus Steve Howe s’inscrit dans la pure tradition Yessienne.

« Future memories » émeut de par sa simplicité comme de par la sincérité qui en émanent. Porté par la guitare acoustique de Steve Howe tout autant que par l’émotion perceptible dans les lignes de chant de Jon Davison, le morceau nous invite à cette magnifique intention (« From this moment forward, I don’t want to make another memory without you »). Le chanteur y apparaît presque comme transfiguré, se débarrassant du lourd héritage de Jon Anderson pour nous dévoiler une touche bien plus personnelle.

Le très orchestré « Dare to know» (dans l’esprit ce qui avait été tenté sur Magnification) est une autre grande réussite de cet album.  Empreint d’une réelle poésie dans les harmonies de guitare comme dans le texte (« Search for the lost chord ») il permet également au groupe de tenter de nouvelles choses comme cette double ligne de chant Jon Davison Steve Howe (que l’on retrouve sur d’autres morceaux de The Quest) et qui apporte de nouvelles couleurs à la musique du groupe, une initiative plutôt bienvenue dans un contexte où l’absence de Chris Squire dans les chœurs est perceptible.

Certains déploreront quelques facilités d’écriture et quelques morceaux dispensables (en premier lieu deux des trois bonus tracks, « Damaged world » étant à contrario assez intéressant). D’autres, l’absence de longues compositions épiques et de démonstration technique, deux dimensions qui en leur temps firent de YES un groupe aux avant-gardes du rock progressif. Mais retenons que les choix artistiques de cette dernière mouture de YES lui appartiennent, l’essentiel étant que le groupe continue à exceller dans la trajectoire musicale qu’il s’est dessinée. Et s’il est difficile de dire si The Quest permettra aux fans qui n’avaient pas adhéré aux deux derniers albums de se réconcilier immédiatement avec le groupe, une certitude en revanche s’impose: il s’agit là, quelques 52 ans après le tout premier essai discographique de YES, d’un très bon album au charme indéniable, résolument optimiste et fidèle en ce sens à l’esprit du groupe.

YES – THE QUEST

Yes - The Quest (2021)

Titre : The Quest
Artiste : Yes

Date de sortie : 2021
Pays : Angleterre
Durée : 61’23
Label : InsideOut/Sony Music

Setlist

CD 1 (47:40)
1. The Ice Bridge (7:00)
2. Dare to Know (5:57)
3. Minus the Man (5:34)
4. Leave Well Alone (8:06)
5. The Western Edge (4:24)
6. Future Memories (5:08)
7. Music to My Ears (4:40)
8. A Living Island (6:51)

CD 2 (13:43)
1. Sister Sleeping Soul (4:50)
2. Mystery Tour (3:34)
3. Damaged World (5:19)

Line-up

– Jon Davison / vocals
– Steve Howe / guitars, producer
– Geoff Downes / keyboards, Hammond
– Billy Sherwood / bass
– Alan White / drums

With:
– Jay Schellen / additional percussion

Votre avis

Une réponse

  1. Francis Broka

    “L’apport inestimable de Trevor Rabin…”. C’est une plaisanterie ? On croit rêver. Un guitariste tout juste bon à faire l’exhibitionniste dans un groupe de hard, qui ne comprenait strictement rien à l’esprit ‘Yes’ et qui l’a détruit en en faisant un groupe de hard pop tristement banal. Et honte aux autres de l’avoir laissé faire avec complaisance !

     
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