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Le Lauréat
4.0Note Finale

CCertes, Qui a peur de Virginia Woolf ? avait cartonné en 1966 en opposant furieusement les deux monstres sacrés Elisabeth Taylor et Richard Burton dans une brillante séance de psychothérapie conjugale. Malgré le succès, Mike Nichols conservait l’étiquette d’un réalisateur débutant à l’entame de son second long métrage, LE LAURÉAT, adaptation d’un roman de Charles Webb adapté par Calder Willingham (Les Sentiers de la Gloire, Les Vikings, Little Big Man) et Buck Henry (Le Ciel Peut Attendre, Prête à Tout). Il faut avouer que les aventures du jeune diplômé Benjamin Braddock, aux prises avec les tentatives de séduction de madame Robinson, femme mure, mariée et accessoirement riche, avait tout pour tordre le cou au conformisme ambiant comme avait pu le faire Lolita (Kubrick, Nabokov) quelques années plus tôt. Évidemment, le film se veut un peu plus que la mise en abîme d’un dépucelage en bonne et due forme. Et le difficile passage vers le monde des adultes du personnage principal devra même se faire dans une certaine forme de convention détournée par une échappée belle salvatrice.

Avant toute chose, pour dessiner ce portrait d’une femme sulfurée qui joue de la vertu avec malice, Mike Nichols songera à Jeanne Moreau. Aux yeux d’un américain, son statut de française la rendait plus naturellement apte à détourner un jeune homme du droit chemin ! Mais de nombreuses grandes figures de Hollywood s’intéressent également au projet : Joan Crawford, Audrey Hepburn, Lauren Bacall, Claire Bloom, Angie Dickinson, Rita Hayworth, Simone Signoret, Anouk Aimee, Ava Gardner et même Angela Lansbury frappent à la porte du réalisateur. Son choix se porte finalement sur Anne Bancroft (oscarisée en 1962 pour Miracle en Alabama). Côté jeunots, deux inconnus sont sélectionnés. Katharine Ross (Elaine) est préférée à Sally Field, Shirley MacLaine et Jane Fonda alors que Dustin Hoffman (30 ans mais son air juvénile lui en donne 10 de moins) passe devant Robert Redford, Jack Nicholson, Robert Duvall et Harrison Ford. Du beau monde en devenir. Pourtant le film n’est absolument pas promis au succès. Plutôt arty et intellectuel, rien n’indique un potentiel succès populaire.

Pour son affaire, Mike Nichols empruntera les chemins de traverse et des partis pris de mise en scène subtils et pour le moins claustrophobes. Cette façon d’enfermer les personnages dans leur condition asphyxie Benjamin (piscine, aquarium, voiture, scaphandre), écrasé par son environnement et littéralement pris au piège comme en témoigne la rencontre avec Mme Robinson, chez elle, en milieu hostile. Une jungle reconstituée et la maîtresse de maison en prédatrice sensuelle. De cette prison émerge les onomatopées d’un héros en perte d’équilibre, qui se vautrera dans une forme d’anticonformiste de façade d’une Amérique déjà poussiéreuse. Cette inertie des personnages, dans leur vie et leur code moral, leurs certitudes, le conflit entre le puritanisme ambiant et la libération sexuelle en marche sont retranscrits par la réalisation de Nichols (le célèbre plan où Dustin Hoffman apparaît derrière la jambe de Anne Bancroft), une caméra très mobile qui changeait du statisme relatif de son premier film, des jeux d’ombres et de lumières, quelques plans subliminaux, et la variation des focales pour mieux isoler les personnages ou appréhender la domination de Mme Robinson sur sa proie. Mike Nichols, venu de la scène comique et accroc à la Nouvelle Vague française, sera récompensé par l’Oscar du meilleur réalisateur pour cet esthétisme efficace qui travaille le symbolique au corps. La scène d’introduction avec un Dustin Hoffman avançant mécaniquement sur le tapis roulant d’un aéroport sur fond de « The Sound of Silence » de Simon et Garfunkel en est l’un des symboles les plus évidents.

Les interprètes, tous remarquables, portent le film au-delà de son sujet. Dustin Hoffman sera immédiatement propulsé à la tête de la nouvelle génération de comédiens à venir (Al Pacino, Robert de Niro, Harvey Keitel etc.) et le succès considérable du film se verra renforcé par des chansons éblouissantes (dont l’intemporel « Mrs. Robinson », évidemment) et la partition de Dave Grusin (compositeur attitré de Sidney Pollack). Si Charles Webb ne publiera que tardivement une suite à son roman (Home School, 2007), LE LAURÉAT deviendra à lui seul un film purement générationnel. Qu’importe qu’il vieillisse bien ou mal, depuis 50 ans le témoignage sociologique sans ambages qu’il propose reste indispensable pour mieux penser aujourd’hui à l’ombre d’hier.

Le Lauréat (1967)

Titre : Le Lauréat
Titre original : The Graduate

Réalisé par : Mike Nichols
Avec : Dustin Hoffman, Katharine Ross, Anne Bancroft…

Année de sortie : 1967/2017
Durée : 105 minutes

Scénario : Calder Willingham et Buck Henry, d’après le roman Le Lauréat de Charles Webb
Montage : Sam O’Steen
Image : Robert Surtees
Musique : Paul Simon & Dave Grusin

Nationalité : États-Unis
Genre : Comédie dramatique
Format : Couleurs

Synopsis : Benjamin Braddock, un étudiant fraîchement diplômé, ne sait pas quoi faire de son avenir. Lors d’une soirée mondaine chez ses parents où il vagabonde, il fait la connaissance de Mrs Robinson, l’épouse du patron de son père. La femme, d’âge mûr, entreprend de séduire le garçon et y parvient très rapidement. Benjamin découvre les joies du sexe et profite de la situation du haut de ses 21 ans. Mais les choses se compliquent lorsque Monsieur Robinson demande à Benjamin de sortir avec Elaine, sa fille. Le jeune homme accepte et en tombe amoureux, s’attirant par la même occasion les foudres de Mrs Robinson. Cette dernière, folle de jalousie, décide d’empêcher leur union en proposant sa fille en mariage à un autre homme…

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