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Crosswind, la croisée des vents
4.8TOP 2015

Un sommet de beauté pour raconter un abîme de monstruosité.

A ma connaissance, ne fut jamais traitée au cinéma la tragédie des pays baltes “soviétisés” à l’ère de la barbarie stalinienne : à partir de 1941, plus de 40000 estoniens, lituaniens, lettoniens, furent exilés en Sibérie par les troupes soviétiques, dont un bon 1/3 mourut fusillé, ou bien d’épuisement, de faim et de maladie dans les camps.

La source de l’histoire que nous raconte Crosswind est la correspondance authentique d’Erna, une femme qui ne cessa d’écrire à Heldur son mari, pendant ses 15 années d’exil, mais ne put jamais envoyer  ses courriers puisqu’elle ignorait où il se trouvait. D’une très belle écriture (Erna étudiait la philosophie), ses lettres décrivent ses conditions de détention et sa vie dans le goulag où elle est déportée avec leur petite fille, elles évoquent la peur, la faim, l’éreintement, la mort, la solitude, et néanmoins l’espoir constant de retrouvailles.

Martti Helde, dont c’est le premier long métrage, opte pour une mise en scène dont le parti pris est tout aussi radical qu’étonnant. Filmée dans un magnifique noir et blanc, l’histoire d’Erna et de sa famille présente tout d’abord le prologue silencieux, mouvant, et poétique, des souvenirs heureux de la période libre. Puis, avec l’arrivée des soldats russes, les images se figent dans l’immobilité des personnages saisis en pleine action, figurant la façon dont le temps s’est arrêté pour Erna, comme elle l’écrit, dans cette prison à ciel ouvert qu’est la Sibérie.

Le film est alors constitué de tableaux vivants: le départ dans le chariot, le quai de gare où les familles sont séparées, le travail dans les forêts et la boue glacée au goulag,… tous les évènements s’enchainent en une fresque à l’esthétisme pleinement revendiqué. La caméra suit ces tableaux en de longs et lents plans-séquences, captant un geste, un mouvement, un objet, un regard, avec langueur, donnant le sentiment d’un mouvement continu, tandis qu’une voix off exprime les mots de souffrance contenus dans les lettres d’Erna. Impossible au regard du spectateur de s’échapper et de butiner dans le plan, il est obligé de suivre l’oeil de la caméra, à son rythme, il est hypnotisé, capté, capturé.

La méticulosité du dispositif mis en place est admirable. Il aura fallu plus de 700 figurants, 5 acteurs principaux (dont Laura Peterson qui incarne Erna, resplendissante d’auguste beauté fragile), et 4 années de tournage pour arriver à ce joyau.

Crosswind – La croisée des chemins est un exploit hors normes, un défi cinématographique, un grand film historique, et une expérience bouleversante pour le spectateur.

CROSSWIND – LA CROISÉE DES VENTS de Martti Helde

Crosswind - La croisée des vents

Titre : Crosswind – La Croisée des Vents
Titre original : In the Crosswind

Réalisé par : Martti Helde
Avec : Laura Peterson, Tarmo Song, Mirt Preegel, Ingrid Isotamm…

Année de sortie : 2015
Durée : 87 minutes

Scénario : Martti Helde
Musique : Part Uusberg
Montage : Liis Nimik

Nationalité : Estonie
Format : N&B
Synopsis : Le 14 juin 1941, les familles estoniennes sont chassées de leurs foyers, sur ordre de Staline. Erna, une jeune mère de famille, est envoyée en Sibérie avec sa petite fille, loin de son mari. Durant 15 ans, elle lui écrira pour lui raconter la peur, la faim, la solitude, sans jamais perdre l’espoir de le retrouver. “Crosswind” met en scène ses lettres d’une façon inédite. 

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